Lis, prie, aime

"Les gens s'attendent à ce que vous soyez tel qu'ils se l'imaginent. Je suis le Chinois du quartier. C'est mon rôle." Ainsi parle M. Ping, le traiteur chinois, dans Demain j'arrête. Il est né à Roubaix mais accueille ses clients avec un accent asiatique à couper au couteau parce que "les gens veulent vous voir rester dans la petite case où ils vous ont placé". Un livre surprenant, une comédie moins superficielle qu'elle ne le semble même si beaucoup de ficelles sont convenues.


Ces mots de M. Ping me sont revenus en mémoire ce soir, en entendant une jeune chanteuse dans le métro. Elle ne chantait pas mal mais pas bien non plus. Je me suis demandé ce qui l'avait poussée là. J'ai pensé à tout le mépris qu'elle doit essuyer chaque jour. Les chanteurs de métro, ceux qui montent dans les rames, surtout, sont considérés comme des clodo. Et pourtant... les clodos ne sont pas ce qu'on croit. Les deux tiers des SDF parisiens ont un travail.
C'est parfois douloureux de prendre le temps de regarder les gens. La petite fille Rom qui m'a réclamé des sous devant la librairie de Paris, en agitant son gobelet de Coca-Cola vide, j'aurai préféré ne pas la voir. Elle avait de grands yeux intelligents, elle souriait, elle devait avoir 5 ou 6 ans. Elle ne semblait pas malheureuse. Peut-être que pour elle, c'est la vie. C'est normal. Moi, je n'avais qu'une envie : aller voir sa mère et lui demander l'autorisation de l'emmener avec moi. Lui donner une douche, lui mettre un pyjama, l'assoir à côté de moi et lui lire des histoires. Puis la coucher sous une couette Babar, avec un gros bisous sur le front. Elle aurait peut-être détesté ça. Moi, en tant que mère, j'ai détesté la voir sautiller sur son trottoir, exposée au mépris des passants.

Je ne sais pas pourquoi je vous raconte ça. Peut-être parce qu'il est 23h : la nuit rend nostalgique. Et je mesure ma chance. Une chance rare, précieuse, qu'il faut savourer et dès qu'on le peut, partager.


stelda

6 commentaires:

  1. Nous sommes inégaux dans la vie, c'est rien de le dire.

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  2. Que peut-on rajouter à ça ? Rien. il y a des moments dans la vie qui remettent un peu les pendules à l'heure et nous font prendre conscience de notre statut privilégié mais hélas, ça ne dure jamais assez longtemps ! Allez, bon WE Stelda.

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  3. Parfois, j'ai envie de porter des œillères quand je marche en ville. Pour éviter que toute cette violente "misère" (à mes yeux du moins, comme tu dis peut-être que certains, c'est juste la vie?) ne me saute aux yeux. C'est extrêmement égoïste mais ce serait tellement reposant...

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  4. Tout à fait d'accord avec toi. Gros bisous

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  5. Lorsque nous sommes là à nous énerver pour des choses sans importance, un petit moment de réflexion ferait du bien - un peu plus d'humilité et une prise de conscience de notre chance. Bel article

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