Grâce à une expo hors les murs du Jeu de Paume, je viens de découvrir avec émerveillement Lartigue. Depuis 2005, le Jeu de Paume organise de somptueuses expositions de photographie au Château de Tours. D'abord Nadar, puis les photos de Pierre Bourdieu en Algérie, les photographes amateurs au début du XX° siècle et aujourd'hui, Jacques Henri Lartigue.
Jacques Henri Lartigue (1894 - 1986) |
C'est qui, ce petit monsieur chétif (oui, 50 kg pour 1 m 72, il n'était pas gras) ?
Un enfant émerveillé et joueur, qui eut la chance de naître dans une famille de banquiers richissimes. Mais surtout, intelligents. Chez les Lartigue, on apprend d'abord par l'expérience, le jeu, le sport.
"Depuis
que je suis petit, j’ai une espèce de maladie : toutes les choses qui
m’émerveillent s’en vont sans que ma mémoire les garde suffisamment",
constate le photographe dans son journal de l’année 1965.
Jusqu’à sa mort en 1986, ce photographe amateur a consacré son temps libre à garder la trace de ses moments de bonheur. Son talent ne sera connu qu’en 1963, grâce à une rencontre de hasard. Les photos de Lartigue sont donc des albums personnels qu’il ne destinait pas au public. C'est sans doute à cause de cette vision personnelle qu'ils apportent un témoignage extraordinaire sur la société du XX° siècle et (surtout) sur l’avant-gardisme des techniques photographiques utilisées par Jacques Lartigue.
Jacques Henri Lartigue en famille - 1902 |
Jusqu’à sa mort en 1986, ce photographe amateur a consacré son temps libre à garder la trace de ses moments de bonheur. Son talent ne sera connu qu’en 1963, grâce à une rencontre de hasard. Les photos de Lartigue sont donc des albums personnels qu’il ne destinait pas au public. C'est sans doute à cause de cette vision personnelle qu'ils apportent un témoignage extraordinaire sur la société du XX° siècle et (surtout) sur l’avant-gardisme des techniques photographiques utilisées par Jacques Lartigue.
Lartigue pratique la
photographie dès 1900 : son père lui offre alors son premier appareil
photographique. Il a 8 ans. Le petit Jacquot traîne son appareil partout avec lui. On rigole et tout le monde participe : le chat, la gouvernante, le grand frère, les parents, les bonnes... toute la famille se met en scène et Jacques clique, clique, clique... à n'en plus finir. "Tu me ruine", gémit sa mère. Bon, tout est relatif : Jacques travaillera 3 jours en 92 ans d'existence. Sa famille est à l'époque l'une des plus riches de France. Vacances à Etretat, à Courchevel, automobiles, les Lartigue vivent une vie hors normes pour l'époque mais gardent un vrai esprit de famille et les enfants vivent comme dans un château enchanté.
Jacques est un enfant génial : en 1902,
malgré les contraintes techniques de son appareil, il s’attache déjà à figer le
mouvement et se passionne pour la photographie sportive : les sauts en
l’air ou dans l’eau, les matchs de tennis, les courses automobiles, tout ce qui
est en mouvement et symbolise ces instants fugitifs et merveilleux qu’il veut
retenir.
1903 - photo de Jacques Henri Lartigue |
Jump, jump! ça sent quand même la gamelle à l'atterrissage... photo de Jacques Henri Lartigue |
Courchevel, photo de Jacques Henri Lartigue |
« C’est un véritable sport pour Lartigue d’attraper des gens qui
ne touchent pas terre », explique Martine d’Astier, directrice de la Donation
Jacques Henri Lartigue et commissaire de l’exposition. Il crée également des
mises en scène, imagine des poses de profil, passe dès 1912 à la photo
panoramique, utilise l’autochrome, un procédé de photos couleurs.
Sa
position privilégiée lui permettant de fréquenter les célébrités de son époque,
il immortalise Rolland Garros, Blériot, Cocteau, Picasso, Sacha Guitry,
Kennedy. Au-delà des guerres terribles, le siècle dernier fut aussi le creuset
d’avancées techniques incroyables et de grands artistes. Lartigue en reste le
témoin fidèle et émerveillé. Si le titre de l'exposition est bien choisi, on aurait pu dire aussi "Lartigue l'Eveillé" : à l'instar de Boudha, Jacques Lartigue a une espèce de 3° oeil, une façon de voir le monde pleine de bonne humeur, de vie, de joie, de beauté. Les artistes optimistes sont tellement rares que Lartigue est une exception.
Très vite,
soucieux de retenir le temps qui passe, la photographie lui semble insuffisante : en 1911, il entreprend donc la rédaction d’un journal qu’il
poursuivra toute sa vie. Un genre de Keel's Simple Diary (quand je vous disais qu'il était trendy, ce Jacques...) : on y voit la météo, les croquis des photos qu'il a pris dans la journée et la consignation de tous les bons instants de la journée.
Le décès de son meilleur ami, la guerre, les revers de fortune, les séparations d'avec Bibi, sa première femme et Coco, la seconde, il n'en parle quasiment pas. Ce grand enfant veut rester un enfant, conscient du bonheur qui passe et de la chance qu'il a.
Ses photos sont vraiment incroyables. On y retrouve mille signes d'un modernité oubliée, remis à la mode ces dernières années : on y lit l'inspiration des deux derniers défilés Vuitton, la manucure couture lancée par YSL, les mannequins voilées de Margiela, les bracelets bangles d'Inès, la composition de nombreux éditoriaux de Grace Coddington... Dès 1908, il prenait des photos de street style, oui madame! Comparant les élégantes à des "faisans dorés au milieu d'un poulailler".
Ici, une élégante avec son cache-poussière : Martin Margiela n'a rien inventé, lui qui voilait le visage de ses mannequins... - photo de Jacques-Henri Lartigue |
- photo de Jacques-Henri Lartigue |
Cette photo a inspiré le réalisateur de My Fair Lady... et sans doute aussi Marc Jacobs! Le jour des Drags aux courses à Auteuil Paris, 23 juin 1911 - photo de Jacques-Henri Lartigue |
On connait tous la plus célèbre de ses photos, sans le savoir. C'est le portrait officiel commandé par Giscard d'Estaing en 1974. Une mise en scène stupéfiante de modernité, qui tranche avec les photos de ses prédécesseurs (comme de ses successeurs, d'ailleurs). C'est Giscard d'Estaing lui-même qui l'appelle, Lartigue pense d'abord à un canular. Il refuse, le Président insiste. Il admire son oeuvre, il le veut absolument, lui et pas un autre. Par la suite, les deux hommes se lient d'amitié et Lartigue fera don de toute son oeuvre à l'Etat en 1979, quelques années avant sa mort.
C'est au cours d'un voyage à aux Etats Unis que le destin de Lartigue, photographe amateur et inconnu, bascule. Il rate son bateau, doit en attendre un autre à New York. Par hasard, il rencontre Charles Rado, fondateur d'une agence connue. Sous le charme des photos du français, l'homme le signale au directeur du MoMa. Celui-ci a justement en tête de promouvoir la photo, pas assez reconnue à son goût. Dès qu'il voit les albums de Lartigue, il décide de l'exposer. C'est le succès. La même année, en 1963, Life lui consacre dix pages dans le numéro qui annonce le décès de Kennedy : ce magazine sera évidemment l'un des plus lus de l'histoire de la presse et Lartigue devient célèbre du jour au lendemain. Par la site, il rencontrera Avedon et Hiro. Avedon conçoit le premier ouvrage de photos de Lartigue : Diary of a Century. Un titre évident pour celui qui a immortalisé le siècle en plus de 100 000 clichés.
Ma série préférée est sans doute celle-ci, prise en 1930. Le modèle est une mannequin roumaine, Renée Perle, sa compagne durant 2 ans. "Dans le regard des femmes et dans les yeux des homme, je vois se refléter la beauté de Renée", écrit Lartigue. Malgré la coiffure et le maquillage très années 30, les photos sont incroyablement naturelles et modernes. Renée pourrait avoir 25 ans aujourd'hui. Elles ne sont pas lisses comme bien souvent à cette période. On distingue le cerne sous l'oeil, les imperfections du teint.
Comme toutes les expositions du Jeu de Paume, celle-ci a une scénographie parfaite, très simple. Le Château de Tours se prête remarquablement aux expo de photo, avec ses grands murs blancs, ses salles en enfilade. Que vous soyez fan de mode, de photo, d'histoire ou de beauté, cette rétrospective est pour vous. Et si vous aimez le tout, comme moi, vous irez même la voir deux fois (et l'expo se terminant fin mai, j'irai peut-être la voir une 3° fois, héhéhé...).
CHÂTEAU
DE TOURS, 25 avenue
André Malraux - jusqu'au 26 mai.
Du mardi
au vendredi de 14 h à 18 h, samedi et
dimanche 14 h 15 à 18 h
Visites
commentées le samedi à 15 heures : la guide est géniale!
Tarif : 3
€ (tarif réduit : 1,50 €)
Un grand merci à l'amie photographe qui m'a accompagnée et à l'équipe du Château de Tours, pour son adorable accueil.
Un grand merci à l'amie photographe qui m'a accompagnée et à l'équipe du Château de Tours, pour son adorable accueil.
Je connais ce photographe de nom, mais j'avoue que je ne connaissais aucun des clichés que tu montres .C'est en effet un grand artiste, merci pour cette découverte , bises !
RépondreSupprimerJe ne le connaissais pas du tout. C'a été une révélation et j'étais ravie de la partager. Gros bisous Valérie
SupprimerOn y retourne ensemble ?
RépondreSupprimerMerci, belle découverte je ne connaissais pas du tout
Avec plaisir! Je peux revoir dix fois une expo qui m'a plu... comme relire 10 fois un livre que j'aime.
SupprimerSuperbe cette article. Tours est un peu loin mais d'ici le 26 mai j'aurai peut-être l'occasion d'y aller.
RépondreSupprimerCet homme a eu de la chance d'être né dans une famille riche pour pouvoir faire beaucoup de photographie à cette époque. J'aime les photos prisent au vif et les femmes non parfaites.
Oui et il a voulu garder le meilleur, conscient de cette chance. En cela aussi, sa démarche est remarquable.
SupprimerTrès jolis articles et photos sur cet artiste que je ne connaissais pas... J'aurais bien visité cette expo !
RépondreSupprimerMerci, Jonalys :) Fais-toi un petit week-end en Touraine, ça vaut le coup!
Supprimerelles sont excellentes ces photos ! j'adore la manière dont les femmes s'habillaient à cette époque, les robes très longues, les corsets !
RépondreSupprimerElles étaient terriblement sophistiquées... et quand tu penses qu'elles changeaient de tenues 3 fois par jour, imagine leur dressing!
SupprimerTu nous donnes envie ... Moi aussi je connais surtout de nom et d'une image de lui près d'une piscine, avec des jeunes femmes, je ne sais pas pourquoi ça me revient comme ça...ah si, je me suis beaucoup intéressée à l'art dans les années 60 et j'avais suivi des émissions de cette époque rediffusées il y a quelques années à propos de artistes de Montparnasse . On y voyait Soutine, Braque, picasso, Zatkine, van Dongen, etc...Je suis presque sûre qu'il y avait aussi une émission sur la photo et ça doit être à cette occasion que j'ai entendu parles de Lartigue pour la première fois, la photo n'étant pas l'art qui m'attire en premier lieu. D'où l'importance de tes articles qui m'apportent toujours beaucoup :) Merci encore pour toutes ces infos !
RépondreSupprimerCette photo près d'une piscine date aussi des années 20, je crois. Et on la dirait faite en 1960... Ne me remercie pas : je me suis vraiment fait plaisir :))
SupprimerJe le connaissais de nom mais en revanche je connaissais très mal son travail, et son talent. Magnifiques ces photos. Elles dégagent toutes une vraie émotion.
RépondreSupprimerMerci pour ce bel article.
J'étais stupéfaite. Je n'en reviens pas, qu'il ne soit pas plus connu... Mais certaines de ses photos sont célèbres, comme celle des patineurs. Il a même inspiré Doisneau! Et on le voit, à 70 ans, aux Rencontres d'Arles : tout étonné d'être là au milieu des jeunes photographes qui l'admirent... c'est touchant.
SupprimerJe découvre avec bonheur. Les photos du début du siècle dernier (celle du champ de course par exemple), c'est du street style ! Tout est extrêmement moderne, les poses, les vêtements (le marcel + la capeline, j'adore !), les enfilades de bracelets...de quoi regarder ce qui se fait aujourd'hui avec beaucoup d'humilité.
RépondreSupprimerIl avait un immense talent, même VGE semble sympathique, c'est dire !
Tu as du passer un excellent moment, merci de nous le faire partager.
Complètement! J'ai regardé ce bon vieux Giscard d'un autre oeil :)). Et devant chaque tableau, j'étais éberluée : ça me rappelait là une pub Vuitton, là une photo de The Sartorialist, ici un défilé Margiela, là un édito avec du Galliano, les fameux bracelets dorés portés par Inès de la Fressange, ici une campagne Lanvin, bref, milles choses vues, portées, photographiées aujourd'hui et considérées comme la pointe du style. Les cadrages, les compositions, les tenues, les poses, tout y est. Incroyable et merveilleux. Oui, on regarde ensuite l'actualité d'un autre oeil et on prend conscience du travail de recherche des créateurs qui fouillent à droite et à gauche pour trouver l'inspiration. Je ne pouvais pas garder ça pour moi, tu penses bien :D
SupprimerLe nom me disait vaguement quelque chose mais merci pour cette visite détaillée ... j'aimerais bien qu'il y ait des expos photos chez nous, c'est trop rare !!
RépondreSupprimerC'était rarissime aussi à Tours avant que le Jeu de Paume ne mette en place cette collaboration. Imagine ma joie depuis quelques années! C'est vrai, c'est un peu rageant : hors Paris, Lyon, Marseille, Lille, on se sent toujours un peu oubliés... Et je ne devrais pas me plaindre : je ne suis qu'à une heure de Paris. Il n'y a rien l'été dans ta région ?
SupprimerCes photos sont vraiment magnifiques, un artiste que j'admire
RépondreSupprimerGros bisous
Un nom du Sud-Ouest, en plus ;-). Gros bisous!
SupprimerAh comme ce post me plait tu peux l'imaginer ! J'avais vu l'expo de Lartigue au centre Pompidou il y a déjà quelques années et j'en ai un grand souvenir. Merci Stelda.
RépondreSupprimerJe savais que ça te plairait... Je suis contente :))
SupprimerDu coup, je t'ai taggée dans mon post d'aujourd'hui ( non ça n'a rien à voir mais ça me faisait plaisir:-) Allez, bonne chance !:-))
Supprimerhttp://laptitemadeleine.blogspot.fr/2013/01/liebster-award.html
Oooh, merci :) Je file te lire
SupprimerAhhhhhhh Lartigue, je l'aime d'amour !!!! D'ailleurs, j'ai sous les yeux un vieux cadre dans lequel j'ai installé 2 photos photocopiées d'un vieux catalogue de vente. J'ai dû faire ce cadre il y a presque 10 ans, et il est toujours là malgré un déménagement et la qualité moyenne des reproductions, c'est dire s'il m'est cher :-) Ce sont deux clichés de Renée Perle, dont une extra où elle est assise sur un perron et penche la tête pour être dans le champ de la photo ! Là tout de suite, j'irai bien à Tours... Le château est dans la ville ? Si oui, ça vaut peut-être un petit week end en train !
RépondreSupprimerPS : j'hallucine du prix d'entrée, 3 euros !!!! Je croyais que ça n'existait plus, à Paris, y'a rien sous les 8-10 euros...
Mille merci !! Mon samedi paraît ensoleillé malgré la grisaille parisienne ;-)
Le Château est en ville, à 20 mn de la gare à peine à pied. Si tu veux venir, n'hésite pas à m'envoyer un mail pour des adresses d'hôtels ou de resto ;-). Et les jolis quartiers à voir!
SupprimerIl y a des TGV ou des TER presque toutes les heures. Oui, l'entrée est vraiment abordable :).
Bon, décidément, Lartigue ensoleille la journée de plusieurs d'entre nous longtemps encore après sa mort :)
le we prochain l'expo sera tjs là ??? on y va ?!!
RépondreSupprimerElle est là jusqu'au 26 mai, ne t'inquiète pas :)
SupprimerThe name sounded vaguely familiar to me, but thank you for this detailed tour ... I would like there to be photo exhibitions at home, it is too rare!
RépondreSupprimerCheap D3 Gold
cheap rs gold
Dioblo 3 Gold Kaufen