Si elles ne font pas tout, les relations médias sont tout de même utiles : elles permettent de faire parler de son entreprise, donc de se faire connaître de futurs clients et de vendre plus. Ce qui est tout de même l'objectif d'une marque.
Tous les jeunes créateurs n'ont pas les moyens de faire appel à un
attaché de presse ou une agence de communication, et beaucoup se collent eux-même aux relations presse / médias. Or, on peut être un
excellent styliste, designer, développeur, commercial... et très mauvais
communicant. C'est normal, c'est un métier. J'ai vu passer quelques milliers de communiqués de presse ces dernières années, alors je me suis dit : pourquoi ne pas partager mon expérience de journaliste pour donner quelques astuces aux jeunes créateurs ?
Commençons par quelques règles de base concernant la façon d'aborder le monstre, c'est-à-dire ce *^%*&! de journaliste.
1. Le journaliste est susceptible.
Oubliez les formules "Je voudrais un article", "Merci de relayer", "Je voudrais connaître les modalités de parution dans dans votre journal", "Je vous écris pour obtenir un article". Y a pas de modalités. On ne relaye rien, jamais (sauf le communiqué du préfet sur un sujet d'intérêt public, genre la suppression de la carte grise). Quand vous envoyez ce genre de mail, c'est direct poubelle, et en plus, ça nous énerve, parce qu'on n'est pas des machines à "relayer" les yeux fermés, en mode distributeur automatique d'articles (sauf si vous êtes la femme du patron). On en parle si :
1) Le sujet / le produit nous intéresse et peut intéresser nos lecteurs
2) La place le permet.
2. Le journaliste est ultra sollicité.
Je reçois environ 150 mails par jour, certains de mes collègues en reçoivent 300... La moitié, donc, je ne les ouvre pas. Pas par mauvaise volonté, mais par manque de temps, tout simplement. Règle d'or pour être lu : l'objet du mail. Il est hyper, hyper, hyper important. En dix mots, dites ce dont il s'agit : "nouvelle gamme bio", "Collection Eté 2018", "Sélection Fête des mères", "Partenariat avec Naomie Campbell", bref, vous voyez l'idée. Si l'objet nous parle d'un truc qui nous intéresse, on ouvre. Et éventuellement, on en parle (cf item 1).
3. Le journaliste a un cerveau
"... la talentueuse Eugénie, créatrice de la marque" : oubliez aussi. Qui décrète qu'elle est talentueuse, je vous le demande ? Celui qui lit le communiqué et découvre la marque, donc le journaliste ou le client. Pas la marque elle-même et encore moins Eugénie her-self (oui, oui, j'ai reçu ce genre de communiqué... signé d'Eugénie). On se doute que si Eugénie était une grosse tache, la marque ne l'aurait pas embauchée, et si elle est à son compte, elle ne fera pas long feu.
"... nos ravissants sacs à main" : idem. Et là encore, on se doute bien que vous ne les vendriez pas si vous les trouviez moches (ou alors, vous êtes maso, ou très, très avant-gardiste). Donc écrivez simplement "nos sacs à main", basta. Laissez le journaliste les trouver beaux tout seul comme un grand.
Pour rappel, "bonjour", "merci", c'est utile. Ne riez pas, à l'instant où
j'écris ce post, une dame vient de m'appeler pour "obtenir une
insertion" et n'a pas dit bonjour. J'avais un tout petit peu envie de lui raccrocher au nez mais comme j'ai été mieux élevée qu'elle, je me suis retenue.
Deuxième round : les infos à délivrer et à qui causer.
4. Viser juste
Pas la peine d'arroser toutes les rédactions de France, réfléchissez à votre produit : qui concerne-t-il ? Exemple : vous créez un parfum sans alcool. Il peut intéresser les personnes photo-sensibles ou allergiques à l'alcool (donc la rédactrice beauté de Santé magazine), les jeunes filles (Biba), les femmes enceintes (Famili, Parents) mais aussi : les professionnels des cosmétiques, via le côté innovant (les rédactions de journaux spécialisés ou économiques, comme Les Echos). Préparez un communiqué commun et dans le mail, mettez l'accent sur le point qui intéressera chaque secteur. Oui, c'est un peu chiant, ça demande du temps mais vous aurez plus de chances d'être rappelé (et vous comprenez pourquoi on paye un attaché de presse).
Anticipez aussi les délais de chaque rédaction : un magazine mensuel est "bouclé" au moins un mois à l'avance (celui de mai est imprimé début avril), un hebdo, quinze jours avant sa date de parution.
5. Accrocher, c'est gagner!
Si votre message se raccroche à une actu, vous aurez plus de chance de capter le journaliste. Il y a les bons vieux marronniers : la fête des mères pour promouvoir votre sac en forme de coeur, la St Valentin pour vos bottines roses, etc. Mais aussi l'actu politique et économique : Le Slip français continuerait sans doute à vendre 3 slips kangourou par jour s'il n'avait pas eu l'idée de rebondir sur les élections. En parodiant la promesse de François Hollande et en balançant "Le changement de slip, c'est maintenant", Le Slip français a fait marrer tous les réseaux sociaux et toutes les rédactions de France. Résultat : une pub de ouf gratuite.
6. Etre clair et concis
Dites en 3 lignes ce que vous faites, pourquoi, comment et à qui ça s'adresse. Tout simplement. Ensuite, développez chaque point : comment l'idée est née, comment les produits sont fabriqués, qui travaille sur le projet... Si c'est un produit, précisez les matières, les techniques de fabrication, le pays d'origine.
Là encore, restez mesuré et n'écrivez pas n'importe quoi : "haute maroquinerie", "haute lingerie", "ultra innovant", "unique"... c'est du blabla et c'est saoûlant quand on le lit 45 fois par semaine. Soyez sympa, dites-le si c'est VRAI. Genre le fil à couper le beurre, ça, c'était innovant au Ve siècle. Une appli qui propose de se connecter avec ses voisins en 2018, non. Dernier truc reçu aujourd'hui : "maison de féminité". Vouloir se démarquer c'est bien, mais là, on a dépassé le ridicule.
On ne connait pas non plus tout sur tout : soyez pédagogue mais pas méprisant. Rappelez-vous qu'on aime les jolies histoires et demandez-vous ce que votre produit/votre resto / votre site... a de plus qu'un autre. Objectivement.
7. Penser pratique
Présenter les produits ou le service, c'est bien. Ajouter les prix, les points de vente, la boutique en ligne.... c'est mieux.
Notez les coordonnées de la personne à contacter, de façon très lisible, à la fin du mail, du dossier de presse et / ou du communiqué : nom, adresse, mail, portable. Ca semble bête mais ça va mieux en le disant.
Joignez quelques photos, dans l'idéal : une sur fond blanc ou détourée et une d'ambiance si c'est un produit. Si c'est votre pomme, un visuel format paysage et un autre format portrait. Vous pouvez aussi préciser "photos sur demande", ce qui vous permet de mesurer, grâce aux retours des journalistes, leur intérêt. L'inconvénient : ceux qui sont à la bourre ne prendront pas le temps de vous appeler et zapperont. A vous de voir.
Nommez les fichiers joints de façon claire : Dossier de presse, collection Eté 2018, etc. et si possible, envoyez-les au format PDF, ça se lit sur n'importe quel support.
8. La presse d'à côté
Elle fait moins rêver que Vogue, Capital ou Stylist mais la presse locale (ou PQR) est un bon tremplin. D'abord, elle reste très lu : Ouest-France, par exemple, est imprimé chaque jour à 670.000 exemplaires, donc vous pouvez être lu/vu par près de 2 millions de personnes. C'est aussi un vivier d'infos suivi par les journalistes des journaux nationaux et votre info peut être reprise par un "gros" titre.
Les radios et les télés locales aussi sont des relais sympa.
9. Offrir sa chance au produit
Les échantillons ou exemplaires envoyés, appelés "service presse" dans le jargon, font partie des coûts à prévoir. On ne vous demande pas de nous envoyer un produit à chaque fois mais dans certains cas, c'est quasi indispensable, en particulier les livres, les produits d'épicerie ou les produits de beauté. Vous pouvez rajouter dans votre mail : "merci de nous précisez si vous souhaitez un échantillon / un service presse", on aura moins l'impression de quémander si on vous en demande un (et ça vous évite d'en envoyer à tout le monde). L'autre jour, j'ai reçu la présentation par mail d'une gamme de parfums : j'ai pleuré pour recevoir 3 échantillons, j'avais carrément l'impression de faire chier l'attachée de presse. Faut pas pousser mémé dans les orties. Pour moi, c'est impossible de chroniquer un roman qu'on n'a pas lu, un parfum qu'on n'a pas senti. La preuve : ces parfums étaient totalement inintéressants (pourtant vendus à prix d'or, environ 250 € la fiole), du coup, je n'en ai pas parlé. Si je les avais vanté les yeux fermés sur la bonne foi du communiqué, j'aurais juste eu l'air d'une brave andouille. En lui envoyant, vous prenez le risque que le journaliste n'aime pas le produit... mais encore une fois, on n'est pas des distributeurs automatiques. A l'inverse, j'ai reçu l'autre jour un rouge à lèvre génial, il a eu
droit à une brève enflammée alors que sur le papier, il ne me semblait
pas fou-fou.
10. Les bonus
La cerise sur le gâteau des relations presse reste l'événementiel. Vous organisez une petite soirée de lancement ? Invitez tous les journalistes locaux, chouchoutez-les en leur envoyant toutes les infos avant, mais ne vous vexez pas s'ils ne viennent pas, certains font vraiment des journées à rallonge et après s'être tapé un conseil municipal de 4 heures, une interview de politique super langue de bois et un compte-rendu de kermesse, on n'a plus trop envie d'aller à l'inauguration d'une boutique.Idem pour les journalistes spécialisés. La meilleure manière de les séduire est de rester simple. Exemple : "Venez boire un verre, ça me ferait hyper plaisir de vous rencontrer". Je vous jure.
Pour finir : le journaliste est votre ami, même si...
... On est un peu caractériels, mais pas plus que votre belle-soeur / mère / cousin.
On peut être blasé, surtout les spécialistes : une journaliste mode qui suit la haute couture depuis des années aura du mal à s'extasier sur des tote bags en coton bio. Sauf s'ils sont vraiment rigolos/très beaux/très originaux. C'est pas du snobisme, promis, juré, juste la dure loi des comparaisons.
On peut être blasé, surtout les spécialistes : une journaliste mode qui suit la haute couture depuis des années aura du mal à s'extasier sur des tote bags en coton bio. Sauf s'ils sont vraiment rigolos/très beaux/très originaux. C'est pas du snobisme, promis, juré, juste la dure loi des comparaisons.
On est assez bordéliques et on peut vous appeler le matin pour une interview en urgence le soir, ne hurlez pas, essayez de trouver un petit créneau pour nous répondre, sinon, ben on passera au suivant
On a des contraintes : le temps, la place, le nombre de nouveautés... ce n'est pas parce qu'on ne parle pas de votre produit qu'il est nul. Ni qu'il ne se vendra pas. Heureusement.
On peut trouver un produit génial, promettre d'en parler, et ne jamais le faire. Parce qu'on n'a pas eu la place (un gros attentat, bim, notre petit papier sur les barbecues saute), le rédac' chef a trouvé le sujet naze, ... soyez indulgent.
Et un dernier conseil : dès que vous le pouvez, prenez un pro pour s'occuper de tout ça, parce que c'est très chronophage. Sans compter qu'un bon attaché de presse aura des contacts, saura quand faire des relances et obtiendra de meilleurs résultats. Normal, c'est son métier.
J'ai jeté un peu en vrac tout ce qui me venait à l'esprit ; n'hésitez pas à compléter, réagir, critiquer.
Que les étudiants en com lisent votre mode d'emploi
RépondreSupprimerJ'en serai ravie!
Supprimer