Chanel ou le règne de l'image



Chez Chanel, Karl peut offrir le meilleur et le pire. Le pire étant des baskets bizarroïdes, le meilleur, le sacro-saint tweed pimenté de latex, de fluo ou de plumes, et le cru prêt-à-porter Automne-hiver 2018 est excellent. Classique mais enlevé. Le décor y était sans doute pour beaucoup, puisque les modèles défilaient en pleine forêt.


Mais justement, sitôt le défilé diffusé sur les réseaux sociaux, les z'amis de la nature se sont étouffés d'horreur : tous ces arbres coupés pour reconstituer une fausse forêt qui vivra le temps d'un soupir, quelle honte! C'est vrai, c'est stupide. Il aurait mieux valu imaginer le défilé au coeur d'un vrai bois. Pas sûr que ç'aurait été mieux pour l'écosystème mais l'honneur les apparences auraient été sauves. Et à l'heure où l'image compte plus que les faits, c'est l'essentiel. Chanel est une maison qui n'a jamais joué la carte médiatique du greenwashing ni du RSE,  alors qu'elle est loin d'être la pire sur ce terrain-là mais aujourd'hui, elle a payé le prix fort pour cette naïveté. En 2018, mieux vaut paraître d'être.

Chanel s'est donc pris une volée de bois vert. Objectivement compréhensible : oui, c'est absurde de couper des arbres pour un défilé de 17 minutes chrono. Mais pas plus que faire poser des mannequins gratuitement pour les magazines, faire travailler jour et nuit des ouvrières payées au smic pour broder une robe vendue 300 000 euros, acheter un t-shirt fabriqué à 8000 kilomètres et qui durera à peine plus longtemps qu'un défilé haute couture. Et si ces arbres coupés trouveront une deuxième vie, comme tous les arbres, en devenant meubles, crayons, ou litière pour chats, les mannequins et les ouvriers, eux, n'en ont qu'une. Mais là, bizarrement, je vois passer beaucoup moins de tweets indignés. 

Le respect de la nature est aussi important que celui des hommes : "Pour réussir sa vie, un homme doit faire un enfant, écrire un livre et planter un arbre", disait l'écrivain Compay Segundo. La poésie, la création artistique, est aussi importante pour l'homme.

Et la poésie de cette collection faisait du bien.

stelda

3 commentaires:

  1. Vous allez vous faire des ennemies ... ;)
    Les images sont splendides,en effet, et Karl n'est pas à une polémique près. En plus, ces arbres lui serviront pour une petite flambée dans sa cheminée ! Alors...

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  2. J'ai la chance d'avoir des lecteurs intelligents, qui ont du recul et de l'humour et que mon esprit "avocat du diable" n'effraie pas. Alors j'en profite 😊

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  3. Alors là ! Je dois bien avouer que tu as fait mouche !
    Je l'avoue : je faisais partie des personnes scandalisées par cet abattage inutile d'arbres, mais tu marques un point quand tu écris cette phrase coup de poing :"Et si ces arbres coupés trouveront une deuxième vie, comme tous les arbres, en devenant meubles, crayons, ou litière pour chats, les mannequins et les ouvriers, eux, n'en ont qu'une.".
    Bravo, bravo ! Touché coulé :-D et merci de m'avoir confronté à mes contradictions/mon hypocrisie...(même si c'est dur...)

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