Lanvin change de tête

La maison Lanvin a un nouveau directeur artistique : Olivier Lapidus (fils de Ted) relève le défi de faire oublier Elbaz. Je lui souhaite bonne chance car il arrive en plein psychodrame. Il me semble pourtant mieux armé que sa consoeur pour réussir ce pari et relancer la machine. Ses propres créations sont plus proches de l'esprit Lanvin. "Vous ne créez pas un produit, vous créez un univers," expliquait-il récemment. Et ça, Bouchra Jarrar l'a oublié.

Olivier Lapidus (Getty images)
Bouchra Jarrar et Lanvin, c'est fini. Le ciment n'avait jamais pris, et ne pouvait pas prendre entre les deux parties. En trois saisons, la styliste a montré qu'elle est trop accrochée à son style pour le mettre de côté et se fondre dans une autre maison que la sienne. Ce n'est pas un reproche, ni une critique : juste un constat. Etre directeur artistique d'une marque demande d'immenses connaissances techniques (que Bouchra possède), une grande culture ou curiosité artistique mais surtout, zéro ego artistique. Les alliances fonctionnent quand le styliste accepte d'être un mercenaire. Or, peu de stylistes l'acceptent, surtout quand ils ont monté leur propre maison : créer sa marque demande une telle énergie qu'il est très difficile de renoncer à la ligne rouge qu'on a construite pour se glisser entre les lignes tracées par d'autres... Gaultier, chez Hermès, est l'un des rares à l'avoir fait, avec beaucoup de bonheur. 


Du côté de Lanvin, le départ d'Elbaz a laissé les équipes traumatisées. La direction semble perdue, le chiffre d'affaire est en chute libre et pour rentrer du cash, la propriétaire de la marque songerait à lancer une ligne de sacs pour les magasins de destockage. Une hérésie, quand il serait bien plus simple et cohérent de créer une jolie ligne de maquillage : rouges à lèvres et vernis sont aussi (voire plus) rentables que la maroquinerie et renforceraient l'image glamour de Lanvin. Enfin, les modèles épurés de Bouchra Jarrar juraient effroyablement avec l'univers léger créé par son prédécesseur.

Le départ de Bouchra Jarrar est le énième drame de ce secteur qui se trompe de route et écrase les hommes sur son passage, parce qu'il oublie que, s'il est à moitié industriel, il n'est rien sans sa part artiste. Comme le raconte Lucinda Chambers à Vestoj, "La mode peut vous mâcher et vous cracher. J'ai travaillé avec un brillant designer quand j'étais à Marni - Paulo Melim Andersson. Je l'adorais. Il était difficile, mais très intelligent. Fragile, comme beaucoup de gens créatifs. Nous avons eu des hauts et des bas, mais il est resté avec nous pendant sept ans. Chloé est alors arrivé. Le PDG m'a demandé mon avis à propos de Paulo et je lui ai dit: «Paulo est formidable, mais il faut savoir qu'il ne changera pas la marque en une saison ou même deux. Vous devez lui donner du temps et l'entourer des bonnes personnes. "Absolument, absolument, a-t-il dit. Je ferai ça." Trois saisons plus tard, Paulo était viré. Ils ne lui ont pas donné le temps, et il n'a jamais eu son équipe. Je me sentais tellement triste pour lui. Si vous voulez de bons résultats, vous devez soutenir les personnes. Vous ne tirez le meilleur parti de personne en le rendant instable ou nerveux."

Je souhaite à Bouchra Jarrar de retrouver sa maison : c'est là qu'elle sera, je pense, le plus à l'aise et le plus heureuse.


stelda

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