Quand Stelda regarde chez les hommes


Il est bien loin, le temps des costards gris. Sur les podiums, en tout cas. Un rapide tour des collections hommes présentés fin juin montrent deux grands axes de travail : le costume recoupé en long, en large et parfois en travers et la silhouette totalement destructurée qui devient de plus en plus androgyne. De ce que j'ai vu, les marques françaises sont les plus décevantes.  Côté anglais et italien, on rigole déjà plus et il y a de belles idées.

A noter sur presque tous les défilés : la présence de mannequins femmes. "Les marques sont de plus en plus nombreuses à présenter leurs pré-collections femme en même temps," me confirmait Régis Pennel, fondateur de L'Exception. "C'est logique, puisqu'il y a de plus de plus en plus de passerelles de style entre les lignes homme et les lignes femmes." Il y aussi des raisons pratiques. D'abord, elles profitent de la présence des acheteurs et des journalistes qui font d'une pierre deux coups. Quand on sait que de plus en plus de boutiques mêlent collections masculines et féminines et que les journalistes ont de moins en moins de temps, c'est la bonne solution pour toutes les parties. Les marques économisent aussi en ne faisant qu'une présentation. Enfin, montrer les lignes homme et femme ensemble permet aux créateurs de montrer un univers complet et les oblige à imaginer un style cohérent. Donc plus facilement identifiable.

En tête de pont du costume comme-vous-ne-l'avez-jamais-vu, Alexander McQueen, qui redessine des petits princes égarés dans le XXIe siècle et dit zut à la mode. L'homme sera baroque, point final. Et ça lui va comme un gant, parce que c'est rare. La veste en velours moutarde, oui, mais avec des broderies. Et ça change tout. Bye bye, le style professeur!



Dries van Noten, déglingué tout en grâce, garde aussi les bases de la garde-robe masculine et offre un vestiaire d'artiste chic. A souligner : ces silhouettes sont transposables sur un homme de 40 ans, et même de 60. Bien joué, Dries.



Chez Botega Veneta, le costume s'est adouci. Ses pantalons un peu large, ses chemises à poches et ces cols largement ouverts sont un bel hommage aux années 30, ça sent la plage de Deauville, les terrasses parisiennes, les voyages en croisière. C'est léger et rafraîchissant. A éviter en cas de bedaine et passé 40 ans, sous peine d'en prendre 20 de plus.




Cool chic et sage chez Salvatore Ferragamo, qui mise brillemment sur la maille, trop souvent négligée dans les collections homme. Les coupes des pulls sont élégantes et originales. A vue d'oeil, la matière du pantalon gris, sur la dernière photo, me convainc moins. Vestiaire idéal pour mâles urbains de 20 à 40 ans et portable par les fluets comme par les plus musclés. Là encore, bel effort.




Armani joue la carte zéro prise de risques. Calibré pour séduire les avocats ou les médecins qui ne se sentent pas le courage de jouer le jeu du costard gris mais qui n'ont pas la force d'envoyer valser le sacro-saint attribut masculin. Giorgio est sympa, il leur sauve la mise avec des pièces sages mais souples, suavement épicées d'imprimés et de détails raisonnables, comme ce zip sur le côté. Les matières (du lin ? du coton ?) qui semblent si confortables me font fondre.



On trouve l'exact contraire chez son concurrent Moschino. Couleurs, imprimés, peau... il faut tout montrer. Et assumer. Ceci dit, ça nous motiverait peut-être pour prendre rendez-vous chez notre dentiste s'il était sapé comme ça.



Ca claque aussi chez Paul Smith, fidèle à son amour des couleurs. Il mixe le costume anglais aux tonalités des îles et le mélange est détonnant : Bob Marley à la City. A prescrire aux jeunes cadres qui bossent dans la pub.



Attention les yeux chez Roberto Cavalli, en pleine phase baba cool. Lui non plus ne déçoit pas. Over too much, comme d'habitude... mais il faut dépasser cette première impression saisissante. Il y a du Lacroix dans cette collection qui mélange gaiement les couleurs et les imprimés. Prise une par une et disséminée intelligemment, ces vestes et ces chemises feront exploser une garde-robe masculine. Qui osera la veste en velours vieux rose sera un dandy. Un vrai.






Chez Balmain, on trouve à boire et à manger. La rançon de la jeunesse de son créateur, sans doutes. D'abord, une vague de silhouettes 100% denim délavé plutôt convaincante et ensuite, des tenues très colorées bourrées de superpositions, de drapés ou de détails androgynes. Trop. Le côté pimenté est plus plaqué que chez Moschino (qui s'amuse franchement), chez Paul Smith (qui maîtrise le mélange des genres depuis 30 ans) ou chez Cavalli (qui n'essaye pas de faire genre). Et surtout, on a tellement l'impression de voir défiler Kim K et Kanye West (voire Roustaing lui-même!) que ç'en est gênant. Dommage.




Dior homme est pris d'une folie rétro-punk presque carrément effrayante. Je sauve le trench, mais pour le reste, je me demande bien pourquoi Kries van Assche nous sert du rouge et noir assaisonné de gris très moche, de clous (putain, non mais allo), des patchs (omg!) et par quel heureux hasard un mannequin a récupéré un soutif volé chez Victoria's Secret. Sans parler des malheureux mannequins, qui ont le teint et les joues creuses raccord avec le thème goth. Pourtant, le punk et le goth peuvent être très très réussi, mais là, non.



J'ai trouvé un bel exemple de l'axe destructuré chez J. W. Anderson, qui déçoit rarement. Démonstration magistrale de la vague androgyne qui envahit les podiums hommes et femmes depuis un an ou deux. Les manches trop longues, fallait oser. La liquette de papy à plastron aussi. Et merci pour les couleurs.



Même inspiration chez Raf Simons qui joue aussi sur la chemise. Sa collection a été encensée, à juste titre. Je trouve que c'est l'une des plus équilibrées. Gros gros coup de coeur pour les manteaux et les vestes. Son passage chez Dior lui a profité : il a adouci ses lignes. Ici, le style androgyne est intelligent et maîtrisé.

 


Yohji Yamamoto peut-il vraiment entrer dans la catégorie des déstructurés ? Comme Paul Smith, pas de surprises, c'est du pur jus maison et il a toujours chéri ces silhouettes souples, toutes en plis.



Kenzo a clairement confondu la fashion week homme avec le salon Playtime et présente une collection pour ado pré-pubères. Triste.



Et si vous voulez que rien ne bouge, si vous cherchez LE costume bleu foncé bien coupé, si vous rêvez toujours de saharienne kaki, une seule adresse : Ralph Lauren, que je ne montre pas, parce qu'il n'y a rien à en dire. Ralph sera toujours Ralph.

stelda

12 commentaires:

  1. Pour nous, par goût, ce serait beaucoup de Ralph et de Giorgio, avec quelques petits détails des autres pour l'été. Nous avons du mal avec les hommes déguisés...Question de génération peut-être !
    Merci pour ce compte-rendu

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    1. Merci :) Giorgio apporte vraiment un bel équilibre. Je pense que je le referai : ça change un peu de la mode femme et ça fait regarder la création sous un autre angle.

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  2. C'est exact, il y a des nouveautés, des créations surprenantes, tout est encore ouvert pour ces messieurs même si sur le plan de la "mettabilité" c'est plus que discutable. Mais à long terme, il y aura des influences dans les détails. On attend la suite...

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    1. Oui, c'est tout à fait ça : il faut digérer les nouveautés, parfois extravagantes, pour ensuite les imaginer un peu assagies.

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  3. Mc Queen baroque sounds good to me ... youpi ...

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  4. J'aime beaucoup Ferragamo et Cavalli : il y a de quoi s'amuser.

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    1. Cavalli est vraiment un fou furieux! Mais c'est drôle, ça fait du bien.

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  5. J'avoue que j'ai parfois plus de plaisir à voir les collections homme, et que je les transposerais bien sûr moi. C'est valable pour plein de choses que tu présentes ici. En revanche, je n'aime pas Armani, ce monochrome gris, c'est d'une tristesse, on dirait que les mannequins aussi sont gris délavé... Et les hauts moulants, au secours !
    En revanche, j'adore le look 2 de Raf Simons avec le polo cropped et la liquette dessous ! Et Paul Smith et Dries, je veux les épouser :-)

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    1. C'est vrai : les collections hommes donnent plein d'idées. Et j'ai eu beaucoup plus de plaisir à chercher des tenues colorées ou originales pour mon fils quand il était petit que pour mes filles, sans doute parce qu'il y avait moins de choix et plus de restrictions dans les rayons garçon. Du coup, ça pousse à la créativité.

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