Rana plaza : 2 ans après

montage de Bart Vliegen

Cet article commence un peu noir, mais je vous jure, ça finit bien. L'industrialisation accélérée de l'Ethiopie, dans laquelle s'invitent fabricants chinois et occidentaux ? Une aubaine, à lire certaines réactions : "C'est très bien que les Ethiopiens aient accès à des emplois!" Oui, sauf que ça ne se passera pas comme chez nous. Pas de syndicats, pas de congés maternité, pas d'arrêt maladie, pas de journée enfant malade et presque pas de salaire. 

Je me suis même sévèrement accroché sur Twitter avec un monsieur à ce sujet. Extrait :


J'en aurai pleuré de rage. A lire @arnauddassier, j'étais une anarchiste doublée d'une dangereuse réac passéiste. Je ne suis pas si dogmatique. La délocalisation n'est pas mauvaise, elle est enrichissante culturellement, économiquement et humainement lorsqu'elle est faite dans le respect des personnes. Ces échanges commerciaux et industriels permettent aux pays en devenir de partager leur savoir-faire et d'obtenir de meilleures conditions de vie. Parallèlement, cette concurrence émergente obligent les entreprises occidentales à développer des services ou  des produits plus innovants.

Ce que ce monsieur (et beaucoup d'autres) ne veut pas entendre, c'est que capitalisme et mondialisation ne sont pas toujours synonymes de conditions de travail abjectes. 

La preuve avec VEJA, fondé par Sébastien Kopp, qui a sacrifié une grande partie des actions de communication conventionnelles pour miser sur des fournitures (toiles et caoutchouc) de bonne qualité, payées un juste prix à leurs producteurs.

La preuve avec La Vie devant Soie, qui fabrique de ravissants sacs au Cambodge, en récupérant des chutes de tissus des fabricants occidentaux. Sandrine Blain, sa fondatrice, tenait à soutenir le travail de la soie dans ce pays.

Et ce modèle est aussi possible dans le luxe. La preuve avec François Lesage, fils du célèbre brodeur de haute couture. Lui s'est consacré à la broderie d'ameublement et il a installé ses ateliers en Inde : "Les 155 brodeurs qui pratiquent leur artisanat à Vastrakala bénéficient d'un régime social exceptionnel pour le sous-continent. Leur talent est payé 500 euros mensuels (le salaire moyen de 93 % des Indiens est de 60 euros). En contrat à durée indéterminée, ils bénéficient d'une assurance-maladie, d'un fonds de retraite privé, d'un soutien pour lutter contre l'endettement, et leurs enfants étudient grâce à un fonds destiné à financer leur scolarité. Un panneau de cuivre brillant comme l'or indique les horaires de travail : 8 h-17 h 30. Tea break : 10 h 30-10 h 45 et 15 h 30-15 h 45. Dimanche, repos. No children labour (pas de travail d'enfants)." in Le Figaro Magazine

Ce n'est pas du pipeau, une amie a travaillé pour lui et m'a parlé, il y a plusieurs années, des conditions de travail mises en place par Lesage. Il a juste choisi de gagner un peu moins d'argent et de respecter ses ouvriers et leur travail. Qu'ils soient traités dignement. Un choix à la portée de tous les dirigeants. Ce qui est triste, c'est que cette démarche soit une exception. C'est l'esclavagisme qui devrait l'être.

Deux ans après le Rana Plaza, on a le sentiment que rien n'a changé, si ce n'est que la misère est parti se cacher en Ethiopie (et aussi en Amérique du Sud). Atlantico fait d'ailleurs un bilan assez triste des engagements des fabricants.

Mais... peut-être que les choses sont quand même en train de bouger. Le 21 avril, j'ai reçu un communiqué de presse dans ma boîte aux lettres : 4 magasins Auchan et Carrefour ouvraient un corner à L'Atelier des Marraines.


Cette petite marque de vêtements est née en avril 2014, fondée par un ancien cadre supérieur dans l'assurance. Son modèle est "à l'ancienne" : les vêtements, sont fabriqués par des couturières à domicile. Toutes les fournitures sont made in France. Mieux, l'idée du fondateur est que chaque cliente puisse rencontrer la couturière qui a cousu sa robe...


C'est pas une bonne idée, ça ? Une goutte d'eau dans la grande distribution, certes mais l'océan est composé de gouttes d'eau et surtout, cette initiative montre que c'est possible de travailler, distribuer, acheter, autrement.

La collection Eté est disponible dans les magasins :
Auchan Centre Commercial les 3 Fontaines, à Cergy
Carrefour, Route Nationale 3, à Clayes-Souilly
Carrefour, Route Nationale 7, à Villiers-en-Bière
Carrefour, avenue Gabriel Péri, à Monteson.

La boutique en ligne de la marque : O'Féline

C'est bien la première fois que je fais de la pub à la grande distribution sur ce blog!!!


stelda

15 commentaires:

  1. Je travaille avec La vie devant Soie pour son action. En plus ces produits sont superbes et tellement bien finis.

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    1. Leurs sacs sont ravissants. Et leurs nouvelles capelines sont adorables, très 50's.

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  2. Ah ouais la distri prend les choses en main !! C'est le monde à l'envers !

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  3. Comme quoi on peut faire bouger les choses à partir du moment où il y a une volonté !

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    1. Je n'ai pas réussi à joindre l'attachée de presse, je ne sais pas si c'est la démarche individuelle des directeurs ou une volonté des groupes de commencer à travailler autrement mais c'est en tout cas un pas en avant :)

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  4. je trouve que les photos chocs n'ont pas assez circulé... à savoir qu'on autant de sang sur le t shirt, ça vous dégoûte d'acheter made in Bangladesh à vie, pourtant...

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    1. Oui, ça calme. Les rares fois où j'achète encore des vêtements pour mes enfants, j'y pense toujours... Et je peux t'assurer que ç'a bien calmé mes compulsions de modeuse.

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  5. Ne lâchez rien Stelda vous avez raison cet Arnaud doit s'habiller dans le massmarket et adhérer aussi à Monsanto...
    Je partage votre avis faire travailler les Ethiopiens et autres peuples mais pas à n'importe quel prix..ce monsieur n'accepterait pas de bosser 10 h par jour de dormir par terre de ne pas bénéficier de congés ni d'assurance sociale.....

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    1. Merci, chère APDR . Je pense qu'il doit bien travailler 10 heures par jour... mais il y a peu de chances que ce soit payé à 10 centimes de l'heure, en effet :). Cette mondialisation déréglée est pire que du colonialisme (qui avait le mérite de bâtir des hôpitaux, des routes et des écoles). Et pour moi, ça témoigne d'un racisme que l'on ne dénonce jamais.

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  6. Les piqûres de rappel ,e font de mal à personne, sauf aux carapaces de certutudes !

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    1. Certaines carapaces sont increvables, en effet :)

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  7. O'Feline me fait penser à la marque franco-brésilienne Tudo bom. Sur leur site, on avait une présentation de chaque couturier et l'étiquette était signée. J'ai l'impression que la marque n'existe plus, dommage, j'aimais bien cette marque équitable et abordable. Je pourrais écrire un message de 10 000 signes sur le sujet, le commerce équitable, les ecolabels... mais je vais m'arrêter là, je ne veux faire fuir personne. En tout cas, je comprends ta réaction face à cet échange de tweets. On a parfois l'impression que tout le monde ne vit pas sur la même planète et que la communication ne passera jamais...
    Merci pour ces postes qui amènent à réfléchir, c'est toujours un plaisir de te lire. Je pense d'ailleurs que mon chéri a dû te dire que je parlais parfois de ton blog que j'aime beaucoup).
    Bonne soirée,
    Maeve

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    1. Chère Maeve, merci pour ton commentaire. Si tu veux écrire 10 000 signes sur le sujet, je pense que tu ne feras fuir personne, on est toutes plutôt bavardes, ici. Ou alors, on peut aussi en discuter autour d'un café, ce sera avec plaisir :)
      Tu résumes tout à fait mon effarement : il y a des situations où tu te dis "Mais ce n'est pas possible, on n'est pas fait de la même chair et du même sang".
      Bon week-end,

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  8. tu as raison de t'attacher à tes convictions que je partage également. oui à la mondialisation et au développement qu'elle peut générer dans ces pays mais pas à n'importe quel prix pour l'homme et la nature. la plupart d'entre nous pourrait supporter d'avoir à payer 5€ de plus pour un jean ou une chemise, quitte à en acheter moins souvent... il faut que les Zara, H&M, Tex et autres fabricants low-cost soient force de propositions dans ce domaine car le consommateur "lambda" en se préoccupe absolument pas des conséquences de son achat. disons que trop peu de consommateurs sont attentifs aux conditions de fabrication...
    claire

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