Une femme dans l'armée


Une journaliste reçoit toutes sortes de communiqués de presse. Quand on la bonne idée d'ajouter la casquette de blogueuse, on en reçoit encore plus. En vrac et pour exemple (véridiques) :
  1. Une application qui permet de retoucher ses selfies, 
  2. Une plateforme participative dédiée à la mode masculine,
  3. Des Miaoubox (parce que forcément, blogueuse mode/beauté = ami des chats),
  4. Les statistiques de la Foire de Paris,
  5. ...
Quand bien même vous habitez à Toulouse, n'écrivez jamais une virgule sur la mode masculine, détestez les animaux de compagnie et ne faites aucun selfie. Et même si on en rit, on ne peut pas en vouloir aux attachées de presse de ne pas faire du cas par cas.

Comme je suis une petite vieille dans ma tête et que je pars souvent du bon vieux principe "On ne sait jamais, ça peut servir", j'ouvre consciencieusement les 57 78 communiqués reçus chaque jour. Je les lis d'un oeil, colle une étoile à ceux que je trouve vraiment extra-ordinaire, range ceux présentant un produit ou un service susceptibles d'intéresser les lecteurs des magazines pour lesquels je pige et jette (oui, c'est moche) le reste.
Il y a quelques jours, je reçois une annonce du genre "L'armée recrute". Bon, j'ai passé la limite d'âge, les gars. A priori, corbeille. Mais l'attachée de presse eut la bonne idée d'ajouter une petite note dans le mail : "J'ai pensé à vous parce qu'une jeune fille de 18 ans sera présente. Ce peut être l'occasion de l'interviewer sur la féminité, le rapport à la coquetterie dans l'armée".

Oui, là, ça m'intéressait et j'ai pensé que, peut-être, vous aussi. J'ai toujours été intriguée par les femmes qui s'engagent. Ca me semble un peu contre-nature (traitez-moi de vieille réac, je le mérite). J'ai donc rencontré Guillemette. C'a été une jolie rencontre. Guillemette a choisi un métier d'hommes en pensant qu'elle avait :
  1. Les mêmes compétences
  2. La même motivation,
  3. Le même professionnalisme... que les garçons. 
Point barre. Que oui, elle était une fille mais qu'il ne fallait pas s'abriter derrière son sexe. Donc, elle s'est engagée. Elle a gardé les cheveux longs, même si, elle me l'a avoué, "c'est quand même plus pratique de les avoir courts". Et quand je lui ai demandé comment elle réussissait à mettre un casque sur un chignon, elle s'est bidonné. "Oui, la première fois, j'ai vraiment galéré! Mais ensuite, on prend le coup de main." J'imagine, c'est comme marcher avec des talons de 10. 
L'armée garde une image très macho mais elle s'est beaucoup féminisée. L'armée française est même la plus féminisée de tous les pays occidentaux : elles représentent 16 % des sous-officiers. On est loin de la parité mais une fille n'y est plus un OVNI. Mais le regard des garçons du civil, lui, n'a pas changé : "Ils trouvent souvent ça très bizarre."
Dans le peloton de Guillemette, elles sont 3 filles pour une quinzaine de garçons. "Il n'y a aucune différence entre nous. C'est plus dur pour nous de réussir les épreuves sportives, mais si on veut, on y arrive." Ses parents ont eu beaucoup de mal à comprendre son engagement. "Ils voient que je suis heureuse : ils se sont fait une raison. Mais ça reste un sujet que nous évitons." Du coup, pour les rassurer, elle a choisi le contrat minimum : 3 ans. "Mais je veux faire ma carrière dans l'armée."
Mais pourquoi avoir choisi ce métier ? "Je voulais un métier sportif, qui bouge, avec un travail d'équipe. L'armée m'apporte tout ça. Quel que soit notre métier (l'armée de terre en compte déjà 300 différents!), on a tous un point commun. On forme une famille." C'est lors d'un forum des métiers qu'elle a le coup de foudre.

Et côté mode ? Guillemette travaille en treillis. Elle travaille au CENZUB, un centre d'entraînement au combat en zone urbaine. Une ville reconstituée, avec ses maisons, son centre commercial, ses hôtels, ses rues, ... dans laquelle les unités viennent s'entraîner. Guillemette joue les méchants la force adverse. Elle a le même uniforme que les hommes. Seule exception : en tenue de défilé, elle a un tricorne. Et pour les cérémonies, une jupe l'été, un pantalon l'hiver. Avec de petits escarpins. Je lui ai avoué que je trouvais le pantalon d'hiver très moche. Elle aussi préfère la jupe. "Plus jolie". Elle se fiche de ne pas se maquiller tous les jours : "Je le savais, j'ai signé en connaissance de cause. Et ça ne me pose pas de soucis d'être plus souvent en uniforme qu'en civil."

J'ai fait une belle photo en pied, pour ne pas manquer les rangers. Parce que là, ce n'est pas la version remasterisée par Saint Laurent et vu de près, ça reste une chaussure assez impressionnante.



Et puis, c'était l'occasion de faire le point sur tout ce que la mode a piqué, cette année, à l'armée :
  1. l'imprimé camouflage,
  2. le kaki,
  3. les semelles crantées façon rangers,
  4. la veste militaire,
  5. les écussons.
Nous verrons peut-être bientôt le retour du tricorne ? 
 J'ai un peu l'impression d'avoir discuté avec une petite soeur. Qu'est-ce qu'elle était sérieuse, quand elle a posé pour la photo! Je lui ai demandé si elle pensait un jour qu'elle ferait ça, poser pour un blog de mode, elle a rigolé et crac, j'ai gardé la photo, un peu floue, en souvenir. Parce que ce petit rire étouffé en coin, c'est celui d'une fille de 18 ans qui croit en ce qu'elle fait et qui aime ce qu'elle vit. Je l'ai trouvé vrai.
Bonne route, Guillemette!

PS : si vous voulez en savoir plus, oui, l'armée recrute 10 000 jeunes, de 17 à 29 ans. A Tours, elle présente ses métiers aux Atlantes (jusqu'au 17 mai).

stelda

17 commentaires:

  1. Un article très intéressant sur un milieu que je connais bien car c'est celui de certains de mes proches. C'est un texte plein d'espoir pour l'ouverture d'esprit ! ( et au passage, j'aime beaucoup le petit point mode)

    Estelle

    lamodeestunjeu.fr

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    1. Merci Estelle. Tu me connais : il faut toujours un point mode! Bonne semaine

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  2. Oh quel beau retour et avec un si bel article ! A dix huit ans, je voulais m'engager dans l'armée, sous off, par tradition familiale.. Mais bon ouf, non pas de carrière de l'armée : trop petite et puis, à l'époque, les femmes n'avaient pas accès aux unités combattantes donc le choix aurait été limité. J'aime beaucoup la réflexion de cette (très) jeune femme sur ses compétences et performances identiques à celles des hommes. C'est un rapport très sain face aux comportements encore tellement traditionnaliste de l'armée (tous corps confondus). J'espère vraiment que cette jeune fille (oui oui jeune fille, jeune...) pourra trouver son épanouissement dans l'armée, elle doit encore se construire pour bien de connaître. Le calot-chapeau- machin est très moche mais bon, là n'est pas le propos. En revanche, j'ai un doute sur le côté pratique de la chose... Sinon, comment vas tu ? Et ton stage ?

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    1. Merci :)
      Je suis bien contente de reprendre un peu mes folies bloguesques. Je commence mes stages dans un mois. Pour l'instant, c'est le dossier final.
      J'aime bien le tricorne (son côté couvre-chef de cavalière du XIXe, sans doute) mais faut avouer que c'est dur à porter...

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  3. C'est bien d'avoir son point de vue. J'imagine qu'en tant que maman, cela me ferait drole si ma fille s'engageait mais l'important est d'être bien dans son boulot.

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  4. Voilà un article intéressant. C'est vrai, c'est un monde inconnu pour la plupart d'entre nous.
    Cette fille est courageuse de rentrer dans un univers masculin et il paraît, très machiste.
    Joli clin d'œil à la mode et tout ce qu'elle à piqué aux militaires...et pourtant, nous sommes des pacifistes...

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    1. Merci :) L'armée est une mini société, avec ses codes, ses traditions, ses bons et ses mauvais côtés. Depuis la veste officier jusqu'aux cravates (qui viennent des soldats croates), la mode a piqué des dizaines de pièces à l'armée.

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  5. Contre toute attente, je trouve ton billet super intéressant. Figure toi que c'est une question que je me suis régulièrement posée : est-ce que j'aurais pu faire une carrière militaire ? C'est bizarre mais j'y ai souvent pensé et je crois que la réponse aurait été oui, justement pour ce côté dépassement de soi. Bonne fin de semaine.

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    1. Merci Laurence, je suis ravie d'avoir pu vous partager cette rencontre.
      Bon début de semaine (pardon, je tarde beaucoup à vous répondre en ce moment)

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  6. j'aime beaucoup cet article, à la fois léger (la mode) et puis plus profond (s'engager ... sans ce soucier du qu'en dira-t-on sous prétexte qu'on est une fille!).

    Clairon

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    1. C'est ce qui m'a plu chez elle. Elle a choisi le métier qu'elle sentait lui convenir.

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  7. Merci pour ce beau reportage ;) Je suis admirative de cette toute jeune femme de s'engager dans un métier si masculin. Je suis tout à fait d'accord sur les capacités homme/femme pour l'armée. D'ailleurs, mon ami m'a dit que, souvent, les femmes tiraient mieux, parce qu'elles sont plus appliquées que les hommes. Finalement, c'est même plutôt sain d'encourager la mixité, homme et femme pouvant s'apporter beaucoup.
    Je suis ravie de te retrouver Stelda ;) J'espère que tout se passe bien.
    Bises :)

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    1. Coucou Lilly, je suis ravie de vous retrouver aussi!! Je suis un peu la tête dans le guidon (examens de fin d'année obligent...) mais je vais essayer de reprendre un rythme de publication décent. J'espère que tout va bien pour toi aussi ;-)
      Bisous!

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  8. Je me suis engagée dans l'armée en 1979 à l'age de 18 ans dans un corps d'armée qui s'ouvrait à peine aux femmes : la gendarmerie. Les emplois offerts à l'époque étaient administratifs. L'ouverture du terrain aux femmes s'est faite en 1983. En 35 ans de carrière j'ai vu quelques machos qui m'ont finalement appris à avoir du répondant ;-). Sur un plan mode, je mets ma jupe d'uniforme tous les jours car oui le pantalon est moche. Quant au maquillage et bijoux le règlement prône la discrétion mais avec mon ancienneté je m'autorise un rouge à lèvres qui claque et des bagues (1 à chaque main) qui se voient un peu. J'ai eu du mal à me faire à la mode du kaki trop connotée boulot pour moi mais j'ai maintenant une veste customisée. Oar contre l'imprimé cam' je ne peux vraiment pas. Guillemette est une jeune femme pleine d'assurance, avec un bel état d'esprit et on ne peut que lui souhaiter le meilleur. Merci à toi Stelda pour ce beau billet.

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    1. C'est grâce à des pionnières comme toi qu'elle a pu s'engager, alors merci, Chris!
      Je n'aime pas du tout l'imprimé camouflage, sauf sur une toute petite pièce (des ballerines, une pochette).

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