Chronique des paillettes amères

Lu à sa sortie en 2006, Presque Top Model m'avait alors semblé ridiculement prétentieux. Je l'ai rouvert par curiosité il y a quelques semaines : ce roman over-fashion n'avait pas pris une ride et je l'ai relu avec un oeil complètement différent, peut-être parce que, aujourd'hui, je perçois un peu mieux ce milieu. Presque Top Model peut sembler effroyablement cynique, triste et superficiel. C'est un roman cathartique.

L'auteur s'est largement inspiré de son expérience : Géraldine Maillet tenta le mannequinat pour payer son école de commerce. Le second rendez-vous fut le bon et elle fut retenue pour douze pages dans Vogue. Elle restera mannequin sept ans, jusqu'en 1998. 

Géraldine Maillet a publié 10 romans

Dans Presque Top-model, elle suit une dizaine de femmes travaillant dans la mode. On croise des (presque) top-model, des rédactrices de mode dépressives et des bookeuses blasées.

Il y a Maryvonne, 19 ans, un peu naïve, qui arrive un matin à l'agence Miracle. Elle ne sait pas marcher, s'habille comme une provinciale mais elle a les plus belles dents de Paris. La patronne de l'agence l'envoie illico passer son premier casting. Deux jours plus tard, sur un coup de chance, là voilà shootée pour 12 pages d'édito et la couverture... de Vogue Paris himself. L'ascension est fulgurante et Maryvonne ne s'en remet pas : elle s'en émerveille dans chaque lettre envoyée à ses parents.

Parallèlement, Suzanna entame une descente aux enfers. Aux premières pages, la jeune Allemande est la mannequin la plus demandée de la planète Mode, celle que s'arrachent Lacroix et Comme des Garçons. Mais voilà que le fessier de la malheureuse prend deux centimètres : les contrats se raréfient, les shootings s'annulent en rafale. Suzanna bascule dans la coke, appelle les services d'étages pour demander dans quelle ville elle est, n'en peut plus de confondre le jour et la nuit et s'achève, la tête dans le saké, en boîte de nuit à Tokyo.

Pendant que Maryvonne monte, Suzanna coule. Pour retrouver des mensurations alléchantes (80-60-85), elle se gave de pilules magiques . Et à la fin du roman, pendant Suzanna regagne le terrain perdu, Maryvonne, grimpée en haut de l'affiche, risque à son tour d'exploser comme Suzanna quelques mois plus tôt.

Entre les deux héroïnes, d'autres femmes courent, surnagent, s'éparpillent de névroses professionnelles en frustrations intimes. Leurs points communs ? l'art du name-dropping et de la solitude. L'espoir qu'une carrière réussie qui sauve tout. Qui fait passer les couleuvres, les désillusions, les compromissions de caniveau emballées dans un sac griffé.  Mais Marylin disait déjà "si une carrière réussie est une belle chose, on ne s'endort pas contre elle le soir".

On croise la rédac'chef de Madame Figaro, la cinquantaine, fagotée comme une paroissienne de province, qui se rêve Carine Roitfeld à la place de Carine Roitfeld. Snobée par toutes ses consoeurs, elle se raccroche à sa meilleure et seule amie : Mademoiselle Agnès qui ne la lâchera jamais.

On galope donc des salons du Costes au fond d'un bureau à la moquette jonchée de cendre de cigarettes. La promenade m'a laissée songeuse et fascinée : l'exploit de Géraldine Maillet est d'avoir doté ses personnages d'une humanité XXL. Aucun n'est antipathique, ils sont juste cassés et perdus, comme des hamster dans une cage dorée, accrochés à une roue qui tourne sans fin. Parfois, ils s'en rendent compte : comme Fabienne, la directrice de l'agence Miracle, qui noie sa lucidité et sa quarantaine avancée au fond de son rocking chair électrique en skaï acheté un jour de dépit, chez Pier Import. Ou ses deux employées, plus blasées qu'elle qui admettent avoir "une vision tordue de la réalité". 

On les croit sur paroles. Et les tweets de Loïc Prigent nous confirment que la vie surpasse souvent la fiction. 





stelda

29 commentaires:

  1. bon j'ai 17 livres en attente mais celui me tente bien, ça me rappellera des souvenirs !!

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  2. Je le met sur ma liste : juste après "la vengeance en prada" que je filerais acheter cette semaine encore :)

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    1. "a Vengance en Prada" ?? Roooh, je ne connais pas mais le titre me séduis déjà! Ca raconte quoi ?

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    2. C'est la suite du Diable s'habille en Prada ! :P

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  3. La course folle! .... J'aime bien le petit mot de Marylin. Tout le monde dit que c'était un cerveau cette fille. Je vais finir par le croire.

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    1. C'est vrai :). Je pense qu'elle avait l'intelligence des malheureux, cette espèce d'extra-lucidité qu'on acquiert avec la souffrance.

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  4. en effet, il a l'air sympa, même si je suis plutôt livre de pierres en ce moment :-)

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  5. Ce livre à l'air plutôt sympa, peut être mon prochain achat !

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    1. Si tu as une liste de livres en cours de lecture, je prends :) N'hésite pas à la partager!

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    1. J'essaierai d'en trouver d'autres :) Les livres, c'est une bonne idée pour Noël!

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  7. ça me tente tiens, j'ai du mal à lire en ce moment et ça ça pourrait le faire, biz

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    1. Quand j'ai du mal à lire, je me tourne souvent vers les polars ;-).

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  8. Le livre parfait pour les vacances … je note !

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    1. Elle avait aussi écrit un livre très triste, sur la mannequin qui s'était suicidée il y a quelques années. C'est un milieu violent, il faut être solide pour résister et y faire son métier honnêtement, je pense.

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  9. J'ai bien envie de lire ce livre, c'est pile poil ce dont j'ai besoin en ce moment!

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    1. Si tu cherches quelque chose d gai, ce n'est pas une bonne idée ^^. Mais si tu cherches un univers un peu particulier, qui nous sort du quotidien, oui!!

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  10. Je voudrais pas faire la trouble fête, mais ça c'est vraiment le genre de bouquin qui ne me donne pas envie de lire, malgré qu'elle ait les plus belles dents de Paris, une private joke soit dit en passant, car j'ai fait la même réflexion à mon ami pas plus tard qu'il y a une heure par rapport à une jolie caissière. Parce que "s'habille comme une provinciale mais elle a les plus belles dents de Paris", c'est quand même très grave et tellement réducteur...
    Sylvie

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    1. Il est en effet très particulier et je comprends qu'on n'accroche pas. Bien sûr, il est plein d'aphorismes odieux, réducteurs, sexistes... Mais il est aussi le témoignage d'un miroir aux alouettes dans lequel beaucoup de filles tombent encore (rédactrices comme mannequins, d'ailleurs). C'est ce qui m'a plu. Et Géraldine rend vraiment ses personnages humains.

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  11. A la fois, j'aime beaucoup lire ce genre de bouquin mais en même temps, ca me fout un bourdon fou !! Alors, je veux juste savoir un truc : ca se finit bien ou bien on se jette en haut du pont avec l'héroïne ?

    Dans le même genre, le film avec Diane Kruger FRANKIE est vraiment à voir !

    A très vite ! ;)

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    1. C'est clair! Ce n'est pas le genre de bouquin qui te redonne confiance en l'humanité ^^ Le livre se termine en demi-teintes...
      Je ne connais pas Frankie, je vais me pencher dessus. Merci Laetitia :)

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  12. J'ai lu ton billet, mais je ne suis pas bien sûre de lire ce livre : peur que ça me déprime trop !

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    1. C'est possible :). Ce n'est pas un livre à lire quand on a envie de se vider la tête!

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  13. Purée! Jamais entendu parler de ce bouquin! (tu penses, c'est pas dans le milieu "averti" où je traîne, qu'on va en fait la promo) Je fonce l'acheter illico!

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