Des critiques de défilés

Photos des détails du défilé Ulyana Sergeenko Haute Couture automne-hiver 2013-2014 - Photo 1

Un défilé, pour un créateur, c'est un peu le premier jour du reste de sa vie. Tout peut basculer.
Une mannequin qui fait faux bond, une mauvaise critique (ou pire, l'absence de critiques), les acheteurs qui boudent pour aller découvrir un nouveau concurrent, l'incompréhension du public...
Sans parler du bouton qui craque, de l'ourlet en voile qui se déchire dans un talon aiguille, d'un corset qui tourne et crée le buzz.
C'est l'aboutissement de 3 ou 6 mois de travail, de réflexions, d'angoisses, d'espoirs. C'est quitte ou double. Une collection remarquée peut t'emmener au Nirvana (sur les portants des concept-stores les plus prestigieux) ou t'apporter des investisseurs.
C'est aussi le plaisir de partager ce qu'on a au fond des tripes, un accouchement. Et bien souvent, comme lors d'un accouchement ou d'un mariage, on est un peu dans un état second. La présentation se déroule à toute vitesse, on a l'œil rivé sur LE détail qui nous chiffonne.
C'est pour cela qu'il est toujours délicat de critiquer une collection. Je fais attention à respecter le travail du styliste et de son équipe mais cela ne doit pas empêcher non plus d'être honnête : certains défilés sont décevants. Parce que la collection est moins bonne, ou parce qu'on attend trop d'un créateur. Quelques fois, le travail est excellent, mais si personnel que le journaliste ou le client ne peut pas suivre le styliste. Il reste à la porte d'un univers qu'il ne comprend pas parce qu'intégrant trop de références intimes et donc inconnues.
Autre difficulté : l'instantanéité nouvelle des critiques. Une journaliste regarde les modèles à travers son expérience, sa connaissance technique, son intérêt personnel pour telle matière. Il est très difficile de s'en défaire complètement, de se dire "qu'en pense la femme qui va essayer ça en boutique ?" "qu'est-ce que ce travail apporte à l'art de la mode ?" Rédiger un compte-rendu dans l'heure est délicat, la première impression est la bonne pour moi mais pas forcément pour le lecteur.
Enfin, quand on twitte ou instagrame en direct une collection, comment juger quel modèle est le plus remarquable ? On ne peut pas photographier toutes les silhouettes, le choix se fait à l'arrache : "tiens, ça c'est chouette" et puis pouf, la robe d'après est encore mieux...
La solution ? photographiez flou, comme moi. Vous n'aurez qu'une photo potable à poster. Et 10 heures après la fin du défilé, parce que vous n'avez plus de batterie (épuisée parce que oui, j'ai aussi tenté de filmer. Ca marche très bien quand Lutin n°2 filme ses pieds mais là, bizarrement, nada!).
défilé Ulyana Sergeenko
 J'ai rencontré hier Marion. Ex-rédactrice mode chez Marie-Claire, elle a dit "je regarde toujours une collection en me demandant ce que j'en penserais si c'était un jeune inconnu qui montre sa collection de fin d'études".  
Je trouve sa position intéressante. Un test à l'aveugle (les yeux ouverts, bien évidemment, sinon ça devient compliqué) changerait certainement notre regard sur le travail des couturiers. Je crois que certains bons élèves seraient priés de redoubler et des cancres gagneraient la tête du classement.

stelda

16 commentaires:

  1. C est important de reconnaître que c est très difficile d être totalement objectif. Et par dessus tout la mode est une forme d art et appelle de fait à la subjectivité.
    On fait quoi ??

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    1. J'ai choisi la subjectivité. Et parfois, une touche d'objectivité ;-)

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  2. Ta photo est très graphique, et de ce que j'ai vu de la collection de Ulyana Sergeenko, c'était magnifique!
    Pour toute forme de création, la critique est terrifiante, ce n'est pas facile d'accepter de s'exposer comme ça... Mais le résultat en vaut la peine!

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    1. Oui, c'était superbe. Mais le plus joli, c'est l'apparition de la petite fille d'Ulyana qui vvient saluer à la fin. Tellement contente et intimidée à la fois...

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  3. Claaaasse d'assister à un défilé :D
    C'est vrai qu'avec l'instantanéité des critiques via Twitter ou Instagram, ça laisse peu de recul pour faire une analyse sereine d'une collection complète...

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    1. C'est difficile, de juger de l'intérêt réel d'une collection à chaud, une demi-heure après l'avoir vue. Ou alors tu fais un compte-rendu basique : "y a du tweed, de la plume, blabla, inspiration ci ou ça" et voilà. Je ne sais pas... ça me gêne.

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  4. j'imagine que c'est très difficile de ne pas être influencé par ses propres goûts mais en même temps je trouve ça important que tous les journalistes n'aient pas exactement les mêmes critères. en tout cas ton article est très bien écrit encore une fois !

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    1. Le hic, c'est le jugement sur les jugements. Tu vois ce que je veux dire ? Et le refus de certaines maisons d'entendre toute critique négatives. Comme Dior ou YSL qui ont blacklisté plusieurs journalistes.

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  5. Très juste ! Je trouve que la vitesse des défilés (+ rapides que dans les années 50 ou 60) n'aide pas à prendre du recul : comme si au restaurant, on te servait 12 plats plats d'affilée en te laissant à peine le temps de goûter une bouchée !

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    1. Voilà, c'est tout à fait ça! Indigestion et frustration.

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  6. Regarder une collection avec un œil neuf est très difficile à faire.

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  7. C'est vrai on ne se rend pas bien compte de tout ce qui qu'il a derrière une collection et bien souvent la critique est facile, mais il est vrai que regarder chaque pièce comme si c'était une première donne plus d'honneur à cette même création et nous permet d'être bien souvent plus indulgent.

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    1. Et parfois d'être plus honnête : certains stylistes proposent des collections peu intéressantes mais comme ils sont estampillés "grand couturier", on se sent obligé de s'extasier ;-)

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  8. C'est vrai que même en voulant être tout à fait objectif, on ne peut pas l'être ! Je ne lis pas trop les comptes-rendus de défilés, je regarde surtout les photos, mais leur sélection est elle aussi subjective ;-)
    J'aime l'idée du retour à la lenteur, au détail, comme Victoria Beckham quand elle présente elle-même ses collections en salon à l'ancienne. Après la slow food, la slow fashion ? ça m'étonnerait que ça se généralise mais cette débauche d'effets des défilés est saoûlante, et nuit à l'appréciation des vêtements.

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    1. La slow fashion est très clairement en marche. Et ça me réjouit!!

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