Charles Frederick Worth (1825 - 1895) |
Tout le monde s'accorde à dire que Worth est le père de la mode moderne et de la haute couture.
Né en 1825, petit anglais désargenté, il travaille à Paris chez un drapier. Comme il a l'oeil et conseille fort bien les clientes qui font leurs emplettes, celles-ci finissent par lui passer commande de robes. Les patrons laissent faire en mettant à sa disposition une arrière-boutique mais quand le jeune Charles veut développer l'affaire avec pignon sur rue, ils refusent. Au XIX°, chaque entreprise avait un métier et s'y tenait consciencieusement. Il était impensable pour une lingère de confectionner des chapeaux ou pour un tailleur de fabriquer des chaussures. Chacun à sa place et les vaches étaient bien gardées.
D'ailleurs, la suite ne leur donne pas totalement tort! Quoiqu'il en soit, plein de volonté et d'énergie, Charles trouve des fonds et en 1858, décide de s'installer au 7 rue de la Paix. Il remporte son petit succès mais devient réellement couru lorsque l'impératrice Eugénie remarque une de ses robes sur une invitée à un bal de la Cour. Elle en fait son fournisseur officiel. Et oui, en 1870, ce petit malin faisait déjà appel à des it-girls. Il eut l'idée de génie de faire une robe particulièrement réussie pour l'une des plus jolies femmes de l'époque, la Princesse Meternich, épouse de l'ambassadeur d'Autriche. C'est cette silhouette qui attire l'oeil de l'impératrice Eugénie.
Mais ce n'est pas sa seule inovation. Il a révolutionné les codes stylistiques de l'époque, comme dirait Vogue : il adaptait la tenue à la cliente. D'où une allure sublimée, forcément. Il y avait un peu de Cristina, chez cet homme-là. Avant Worth, les femmes de l'époque allaient voir leur couturière et leur commandaient des robes selon leurs goûts. Charles décide que ce sera désormais le contraire et qu'il sait mieux qu'elles ce qu'il convient de porter (macho, va! mais il n'avait pas complètement tort et il le prouvera). Il propose dans son salon de montrer les robes qu'il imagine pour chaque saison, à la cliente de passer commande ensuite. Les premiers défilés étaient nés.
Relooking, it-girl, produits dérivés, collections saisonnières, mannequins, Charles Worth met toute la profession sens dessus-dessous. Son coeur de métier est la robe de bal mais en fin commerçant, il ouvre une annexe qui propose du Worth plus abordable : chapeaux, gants, sacs, accessoires. Zou, toutes en Worth! Même les petites bourgeoises qui n'ont pas l'excuse d'un bal à la Cour peuvent s'offrir du Worth. Voilà donc les premiers produits dérivés...
Pour ce qui est des mannequins, là encore, Worth décide de présenter les modèles sur de jeunes femmes qu'il fait marcher devant les clientes. Sa femme Marie est la première mannequin professionnelle de l'histoire de la mode.
modèle de 1891 |
L'un des faits d'armes remarquable de Charles Worth est d'avoir remplacé la crinoline par la tournure. Les robes y gagnent en légèreté et en confort, elles s'adaptent mieux au mobilier de l'époque (imaginez-vous assise avec une crinoline sur un crapaud... effet boeuf assuré, votre jupe engloutit complètement le petit fauteuil).
Les fils de Worth prennent la relève et fondent même l'Ecole de la Chambre Syndicale de la Couture ; la Maison tient le haut du pavé jusque dans les années 20. Paul Poiret y fera ses armes avant de fonder sa propre entreprise en 1904.
Malgré leur professionalisme, ils n'ont pas le génie des affaires de leur père. Worth, qui était LA grande maison, devient une maison de couture noyée dans les 160 qui existent à lépoque.
Malgré leur professionalisme, ils n'ont pas le génie des affaires de leur père. Worth, qui était LA grande maison, devient une maison de couture noyée dans les 160 qui existent à lépoque.
Après la deuxième guerre, Worth fusionne avec la Maison Paquin, autre grand nom aujourd'hui oublié, puis toutes deux s'éteignent doucement. Les années 50 sont difficiles pour la Haute Couture et Worth disparait en 1956. Subsisteront les parfums, fabriqués sous licence : le très joli "Je reviens", créé en 1932 et relancé dernièrement. J'aurais aimé le sentir mais il ne semble distribué nulle part!
En créant les bases du marketing moderne utilisé par les grands groupes de mode, Worth a aussi créé le monstre qui allait provoquer la chute de beaucoup de maisons, à commencer par la sienne : le besoin incessant de nouveautés, le cycle de plus en plus rapide des collections... Si ses modèles éblouissants ont contribués à enrichir l'industrie textile (les soyeux lyonnais et les brodeurs en particulier), il a aussi bouleversé le monde des artisans en plaçant le créateur au-dessus de la couturière.
En créant les bases du marketing moderne utilisé par les grands groupes de mode, Worth a aussi créé le monstre qui allait provoquer la chute de beaucoup de maisons, à commencer par la sienne : le besoin incessant de nouveautés, le cycle de plus en plus rapide des collections... Si ses modèles éblouissants ont contribués à enrichir l'industrie textile (les soyeux lyonnais et les brodeurs en particulier), il a aussi bouleversé le monde des artisans en plaçant le créateur au-dessus de la couturière.
modèle de 2010 |
Des créations portées par Lady Gaga ou Anna Dello Russo, pourtant cette reprise n'a pas fait beaucoup de bruit. Je l'ai découverte en écrivant cet article. Un certain Mr Martin, anglais de son état, se serait associé avec Mr Dielsh, un financier indien qui posséde les licences de parfums Worth. A eux deux, ils ont racheté le nom et relancé la plus célèbre maison de mode française. Leur premier défilé ne comptait, d'après mes sources, qu'un seul modèle. Il s'agissait plutôt d'une présentation presse avec un modèle vivant chargé de faire admirer le remarquable travail de Giovanni.
Le défilé de cette année compte 12 modèles et eut lieu dans les salons du Crillon. Un retour pas à pas, discret et prudent, deux qualités qui sont sans doute une force aujourd'hui. Qui va piano va sano!
Le défilé de cette année compte 12 modèles et eut lieu dans les salons du Crillon. Un retour pas à pas, discret et prudent, deux qualités qui sont sans doute une force aujourd'hui. Qui va piano va sano!
défilé de la collection Hiver 2012 - 2013 |
comme chaque fois que je lis ton blog, me sens moins bête après. Merci !
RépondreSupprimerNon, merci à toi : je ne crois pas que je continuerais si vous ne me lisiez pas ;-) tu es adorable.
SupprimerTu as bien fait de le mettre à l'honneur. Amélie a raison, on s'instruit chez toi...
RépondreSupprimerA voté je croise les doigts pour toi
Gros bisous
On n'en parle presque jamais, c'est dommage. Merci Sylvie. Gros bisous et bonne soirée.
SupprimerJe découvre toute l'histoire. Elle est intéressante.
RépondreSupprimerJe l'avais lue quand j'avais 15 ans et ça m'avait marqué. Il a habillé toutes les têtes couronnées, il était vraiment incontournable. Le Roi de Paris, c'était Worth!
Supprimereh ben j'ai appris un truc ! Et j'ai voté !
RépondreSupprimerMerci Dark ;-)
SupprimerVoilà pourquoi tu es le seul blog mode que je lis ! Des billets instructifs et agréables à lire, même (et surtout) pour l'ignorante que je suis. Bonne chance pour les golden blog awards !
RépondreSupprimerSi tu vas sur ma blogroll, tu y découvriras d'autres blogueuses moe très chouettes :) Mais je suis vraiment touchée par ton attention et que tu prennes le temps de venir me lire, Albane (et je sais à quel point le temps d'une mère de famille est compté!)
SupprimerTrès intéressant. J ai appris plein de trucs :)
RépondreSupprimerEt je sens que tu vas m'en apprendre autant sur l'eye liner :D
SupprimerJ'ai éclaté de rire en lisant ton commentaire !
SupprimerJ'espère qu'il y a du démaquillant chez ta soeur !
Ouiiii :D
SupprimerVraiment très intéressante ta revue et L'impératrice Elisabeth d'Autriche immortalisée en Worth est magnifique !
RépondreSupprimerBisous !
(A voté)
Elisabeth était, comme Worth, une aventurière de la mode. Elle avait une idée de la beauté très moderne et je pense que Worth a aimé l'habiller.
SupprimerMerci pour le vote ;-)
Merci Stelda pour cet article fouillé comme toujours ! Il me fait penser à un ouvrage qui vient de paraître et qui ayant un rapport avec l'histoire de la mode devrait bigrement t'intéresser, c'est le beau livre de Georges Vigarello sur l'histoire de la silhouette. Je l'ai acheté cette semaine et si j'ai le courage, j'en reparle ici dès que je l'ai terminé. Mais le mieux pour ma paresse serait que tu le lises et que tu fasses un papier dessus :)
RépondreSupprimerOh, je ne connais pas, merci du tuyau. Je l'ajoute à ma liste, derrière le Dictionnaire impertinent" d'Isabelle.
Supprimerlà, je viens de terminer Le Monde de la Mode de Mark Tungate et You're so French. J'ai 3 livres à critiquer, faut que je m'y colle...
Comme d'habitude pationnant, Stelda, va falloir que t'écrives un livre ! tu n'y as jamais pensé ? Bises
RépondreSupprimerAh, j'aimerai bien :)) Genre "La Mode pour les Nuls". Si quelqu'un a une copine aux Editions First, je veux bien qu'elle m'appelle ;-). Et je demanderais aux copines illustratrices de beaux dessins, ça serait cool!!
SupprimerEncore une fois j'ai appris plein de trucs, merci Stelda !
RépondreSupprimerPS : par contre version 2012-2013, je suis sceptique quant à la troisième photo !
Je t'en prie ;-). Le dernier modèle fait très cow-girl du futur, je te l'accorde :D
SupprimerOn apprend plein de choses, et en plus, c'est bien raconté ! Merci !
RépondreSupprimerPS : Laurence m'ôte les mots de la bouche sur la collection 2012-2013... ceci dit, je n'y connais rien en mode...
Il n'y a pas besoin d'être une experte pour avoir du bon sens ou du goût ;-), au contraire : les critiques de mode sont parfois un peu déconnectées (et je le suis aussi quelques fois, j'admets). Merci Mag <3
SupprimerHello Stelda,
RépondreSupprimerJe ne savais pas que la marque avait été relancée !
C'est bien que ces anciennes maisons pleines d'histoire reprennent vie. Les "résurrections" que j'ai le plus aimées récemment ce sont celles de Courrèges et Vionnet, malheureusement, ma CB n'est pas encore convaincue lol
Bises <3
Courrèges et Vionnnet sont plus discrètes que Carven ou Lanvin mais les réouvertures ont été faites intelligement, je trouve et par des passionnés qui s'attachent à respecter le style de la Maison.
SupprimerBon, c'est vrai qu'on n'est pas près d'en être clientes, malheureusement :D
C'est marrant, je me souvient encore du flacon de parfum "je reviens" dans le "cabinet de toilette" de ma grand-mère. Parfum lourd biens ûr, comme souvent à l'époque. Le nom du flacon me laissait perplexe ... Merci pour ce bel article qui me renvoie pas mal d'années en arrière !!
RépondreSupprimerOh, ça c'est drôle! J'avais très envie de le sentir car il contient plusieurs ingrédients de mon parfum fétiche (Burberry) et je me demandais si je retrouverais des points communs.
SupprimerJe suis contente de t'avoir offert un petit moment de douce nostalgie ;-)
J'apprends encore plein de choses grâce à cet article !
RépondreSupprimerC'est dingue le visionnaire qu'était cet homme ! :)
Oui il était extraordinairement en avance sur son temps!
SupprimerUn grand nom de la mode ...
RépondreSupprimerLe premier:-)
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