Mais qui est Schiaparelli ?

Comme j'étais toute tourneboulée par cette histoire de boutique sans vêtements (et sans couturier!), j'en ai oublié de mettre un lien vers le site de la Maison Schiaparelli.
Tant mieux, car le site officiel de Schiaparelli mérite un article à lui tout seul.

parfum Shocking, lancé en 1936 par Schiaparelli
Je vous laisse juger en le découvrant ici.

Et Schiaparelli, Schiap pour ses intimes,  mérite bien une petite présentation.
Fermée depuis plus de 50 ans, le nom de la Maison Schiaparelli était quasi inconnu du grand public jusqu'à l'avènement de la grande exposition Schiaparelli-Prada à New York.

Elsa Schiaparelli (1890 - 1973)
Si Coco représente l'esprit classique et les aspirations bourgeoises, Elsa est son strict opposé. Sa griffe ? folie et extravagance, loin des codes sociaux. Elle ne les renie pas, elle les ignore, tout simplement.
La dame, d'origine italienne, s'installe à Paris au début des années 20. C'est l'époque où le vêtement de sport commence à devenir un must have dans les milieux aisés. Admirant le haut en maille d'une amie, elle lui demande où elle l'a trouvé. L'amie lui donne l'adresse de sa tricoteuse arménienne. Elsa découvre alors un savoir-faire transmis de mère en fille : un point de tricot très particulier. Si elle trouve la qualité excellente, les modèles lui semblent très laids. Elle demande à la tricoteuse de lui fabriquer des modèles selon ses propres dessins. 
Et la voilà qui lance des petits pulls à effets de trompe-l'oeil qui s'arrachent comme des petits pains. Elle ouvre en 1927 une première boutique consacrée aux articles de sports. C'est Poiret qui va l'encourager à lancer une ligne de jour et de soir. En 1934, elle ouvre une boutique au 21 place Vendôme, l'adresse aujourd'hui reprise par Della Valle. Fréquentant le milieu artiste, elle les joint naturellement à sa démarche : ce sera Cocteau pour des dessins de visages brodés sur des vestes ou des robes, Dali avec un homard peint sur une longue robe blanche... A une époque privilégiant les couleurs douces, foncées ou neutres, Schiap' provoque une révolution avec du orange vif, du rose fushia, du vert anis. Elle n'hésite pas non plus à les mélanger sur une tenue. 

modèle de 1937. L'un de mes préférés.
L'imprimé est d'une modernité à couper le souffle et ne parlons pas de la coupe!
Expérimentatrice et douée d'un solide sens du détournement, Elsa est plus une artiste surréaliste qu'une couturière. On le voit avec la fameuse chaussure couvre-chef, la robe simulant un squelette ou l'utilisation d'un moule du buste de Mae West pour le flacon de son parfum Shocking (une idée reprise par Gaultier, avec le succès que l'on sait).
Contrairement à Coco Chanel, Elsa ne prenait pas la mode au sérieux mais la voyait d'abord comme un moyen d'expression, un canal artistique à explorer à 100 % : des chapeaux aux boutons, en passant par les flacons de parfum, les robes, les cols, Elsa a tout transformé. Elle a par exemple créé une robe portefeuille transformable, à mi-chemin entre un modèle de Diane von Furstenberg et un modèle Yamamoto. Ses vêtements sont ornés de boutons en forme d'écrevisse ou d'insecte. Elle vend dans les années 30 un collier "Aspirine" formé de comprimés de céramique, d'après un modèle d'Elsa Triolet. Difficile aujourd'hui encore d'aller au-delà de son imagination. J'avoue un faible pour ce poudrier, blushant!

poudrier Schiaparelli dessiné par Dali, 1935

robe "squelette"

Ses clientes achetaient ses robes avec la sensation de porter une oeuvre d'art. J'imagine ses créations sur des femmes sûres d'elles, des femmes de pouvoir, de volonté. L'une de ses plus fidèles clientes était Mrs Wallis Simpson, duchesse de Windsor (on peut admirer une partie de sa garde-robe au château de Cangé, à quelques kilomètres de Tours : ça vaut le détour).
Elsa s'exile aux Etats Unis pendant la seconde guerre mondiale. Lorsqu'elle revient en France, sa maison n'a plus la clientèle nécessaire ; le surréalisme est loin, le New Look fait la loi et Schiaparelli ferme en 1954. Durant ces dix dernières années, elle formera de grands couturiers comme Hubert de Givenchy ou Pierre Cardin (à qui elle transmit beaucoup de son esprit inventif). Là où Coco se voyait en faiseuse, Elsa se voyait en artiste. Elsa Schiaparelli fut l'une des premières à mettre la mode au coeur de l'art contemporain.  Elle a poursuivi la voie ouverte par Poiret, son mentor et a transmis le flambeau à Cardin, lui-même le passant à Gaultier.

modèle en tricot avec noeud en trompe l'oeil - 1927
Sonia Rykiel, Bérenice et consorts n'ont fait que suivre le Maître
veste brodée d'un dessin de Cocteau 
robe avec un homard peint par Dali

Le légendaire rose shocking

A voir :
L'expo Prada / Schiaparelli au Metropolitan Museum de New York jusqu'au 19 août "Impossible conversation"
Le site officiel de Schiaparelli, avec des petits films d'animations et des montages décalés, charmants, bref, complètement craquant

A lire :
Elsa Schiaparelli, d'après la rétrospective aux Arts Décoratifs
Le Petit livre de Schiaparelli, retraçant la vie et l'oeuvre de la créatrice



Wallis Simpon et le modèle à arabesques
bibi chaussure

stelda

30 commentaires:

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    1. Je pense que cette marque a tout pour te plaire ;-)

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  2. j'adore la robe avec le homard ! (faut juste ne pas se prendre un coup de soleil sur les épaules ensuite !) :-D - N.

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  3. et ben dis donc, je suis une vraie inculte !!!! merci pour toutes ces informations !

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    1. Tu plaisantes ? il y avait plus d'une centaine de maisons de haute couture en 1945 en France. Difficile de les connaître toutes! Il n'en reste que 10% aujourd'hui.
      Mais je suis contente que l'article t'ait plu ;-)

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  4. La robe papillon est sublime, incroyable cette modernité : on aurait pu trouver la même chez Zara, j'en suis persuadée. J'aime beaucoup ce qu'elle fait en tout cas :)

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    1. Oui, j'étais sidérée en la découvrant. On dirait qu'elle a été créée il y a 2 ans. Jusqu'au petit gavroche, complètement craquant!

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  5. New York étant un peu loin, je vais me contenter du livre.
    Ce qui est marrant, c'est que je connaissais pas mal de choses d'elle sans mettre le nom.
    Super cette mise au point.
    Merci Stelda.

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    1. C'est ce que j'ai failli ajouter : "et pour celles qui ne veulent pas aller jusqu'à NY,à lire..." :D.
      Le livre a l'air très chouette, il est sur ma petite liste de bouquins à adopter.
      Merci à toi, Christine ;-)

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    1. Oui, elle est génialissime! Vivement octobre pour découvre enfin les tenues.

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  7. Superbe article, je ne connaissais que son nom. Merci Stelda pour ma culture ;))

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    1. Je t'en prie ;-). Il y avait longtemps que je n'avais pas parlé d'un créateur, c'est l'occasion qui a fait le larron ;-)

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  8. Schiap, mon idole (sans parler de sa ravissante petite-fille), j'aime tout chez elle. Tout. C'est en regardant son travail que je me dis que les créateur doivent être cultivés, sinon c'est toute une inspiration qui part dans l'impasse.

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    1. Karl dit que les créateurs n'existent pas et il a raison. Ils ne créent pas : ils détournent, ils réimaginent, ils essayent dans tous les sens jusqu'à ce que ça fonctionne. Et pour en arriver là, il faut être ouvert d'esprit et extrêmement cultivé ou on ne va pas loin. Poiret a été le premier à le comprendre, Elsa S. l'a démontré avec brio et les créateurs modernes le prouve tous les jours. Tu pense à notre ami MS, je parie, quand tu dis que c'est toute une inspiration qui part dans l'impasse ;-) ?

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  9. J'ai regardé par 2 fois. Quelque chose me chiffonnait. Je me demande si sa création (splendide) n'est pas trop artistique où tout simplement importable. J'ai l'impression que ces modèles amenuise une personnalité ?
    Ton article est flambant. Bravo.

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    1. Ça c'est incroyable Birgitt !! C'est quasiment mot pour mot ce que j'avais d'abord écrit et je l'ai enleve trouvant ça trop subjectif... Oui ses modèles sont extrêmement théâtraux. Elle créée pour elle d'abord et c'est la cliente qui va s'adapter. En cela aussi elle est moderne. Mais clairement pas pour moi:-). Il faut une personnalité extrêmement forte pour porter des vêtements de createur et Elsa est la première à avoir ce titre dixit Coco elle même!

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  10. Passionnant cet article. La première fois que j'ai entendu parler de Schiaparelli, c'est suite à une interview de Marisa Berenson qui était sa petite fille.
    Le Petit livre de Schiaparelli m'intéresse beaucoup.

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    1. Merci Dimitri ;-). Le Petit Livre a l'air top : les Editions Eyrolles ont le chic pour imaginer des livres beaux et pédagogiques à la fois.
      Les Mémoires de Schiaparelli, "Shocking", sont malheureusement épuisées. Mais si vous tombez dessus au détour d'un bouquiniste, foncez!

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  11. Un super hommage que tu lui rend, elle était à l'avance sur son temps, ses créations d'une modernité! si je ne m'abuse l'actrice Marisa Berenson est sa petite fille, oui c'est bien ça je ne me trompe pas, le commentaire Dimitri me le confirme, les modèles que tu nous présente le représente parfaitement, merci pour cet article, des gros bisous.

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    1. Oui, on oublie souvent qu'elle a précédé Rykiel pour la maille, Cardin ou Courrèges pour l'utilisation du plastique, Gaultier pour les robes "à effets", etc.
      Merci Blandinnette, bisous à toi et bonne soirée ;-)

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  12. Je me souviens de l'expo des Arts Déco il y a quelques années (sur Schiapparelli toute seule, sans Prada), c'était passionnant. Je n'avais pas acheté le catalogue, en revanche, mais il doit pouvoir encore se trouver. Elle en a inspiré beaucoup, et pour la maille particulièrement Sonia Rykiel, en effet :-)

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    1. Il peut se trouver sur le site des Arts Déco. Je l'ajoute en fin d'article. Merci beaucoup d'y avoir pensé, Gaëlle ;-).

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  13. Merci pour ton article toujours enrichissant de lire toutes ces belles choses. Très belle la veste brodée d'un dessin de Cocteau, j'adore !!!
    Bisous ma toute belle !

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  14. eh bien tu vois c'est rigolo, ce petit livre rose je l'ai entre les mains depuis peu, acheté au Musée des Arts Déco à Paris. Il est bien écrit, bien fait et plein de chouettes infos sur "Shiap" ! Je connais depuis longtemps cette créatrice et ses chapeaux en forme de chaussures, ses robes à poches tiroirs, sa jupe portefeuille (elle l'a inventée, bon pas la meilleure des trouvailles à mon sens mais en son temps c'était bien pratique, on ne portait pas aisément le pantalon); je la trouve pleine d'humour, d'invention et d'audace ; et comme tu le suggères, bien des créateurs ont puisé dans son registre pour s'en inspirer. j'adore !!! Elle fait partie de mon panthéon de la mode d'avant 39-45 avec Mme grès et Madeleine Vionnet ;)

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  15. Elle avait une imagination débordante. Merci pour cet article très intéressant. J'aurai ses robes en têtes en regardant les prochains défilés de haute couture.

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  16. J'ai vu un reportage sur elle et j'ai vu cette robe noire sans couture ni bouton.j'aimerais la revoir pour savoir comment elle l'a réalisé. Elle devait avoir une imagination sans limites.

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    1. Oui, et elle s'autorisait surtout à la laisser parler. Merci pour ta visite et peut-être à bientôt ;)

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