Des erreurs de diagnostics

En 1971, Frank Gross publia un article dans le New England Journal of Medecine concernant une pathologie qu'il baptisa « syndrome des habits de l'empereur », en référence au conte d'Andersen. Il décrit comment un diagnostic erroné peut être confirmé par plusieurs médecins par « contamination » du diagnostic précédent.
La mode étant un genre de maladie, les prescripteurs se sentent une âme de clinicien.
Et les erreurs de diagnostic sont légion!
Dans la mode, tout ce qui est nouveau est porté aux nues. Or tout ce qui est nouveau n'est pas intéressant. Et tout ce qui est nouveau n'est pas beau. 
Vous m'objecterez que la notion de beau est très subjective. Mais pour moi, le beau est ce qui soulève une émotion : l'admiration, la répulsion, l'attirance, l'envie, le désir, la joie, la tristesse... Quelque chose qui remue les tripes! Et une icône, elle transpire l'émotion. Elle dégage un "truc". Quelque chose de fort. Elle casse les codes ou elle en crée de nouveaux ou encore elle habite une époque tellement fortement qu'elle en est indissociable. 

Depuis quelques années, il suffit d'enfiler une jupe à fleurs et un marcel blanc pour être décrétée icône de mode. Ben à ce compte-là, y a des icônes à tous les coins des abribus!

Le dernier exemple qui m'a frappé ? Coco, du site de Tendances de Mode, s'extasiant sur le look de Kate Bosworth. Tendances de mode, c'est ma Bible. Je le consulte tous les jours, j'admire beaucoup le travail de Coco qui a transformé un blog en un site de référence. Largement plus intéressant dans son analyse de la mode que Vogue ou l'Officiel, qui ne font souvent que relayer leurs annonceurs.
Mais là, en lisant cet article sur "Kate icône de mode", un hoquet d'effarement m'a jeté sur mon clavier.
Personnellement, je vois 

  1. une petite nana avec des lunettes trop grandes, 
  2. un pull à trous qui me rappelle mes années de fac 
  3. une jupe qui ne va avec rien, surtout pas avec ses bottines
  4. un sac vu et revu, qui jure terriblement avec sa petite pochette en bandoulière...
Une tenue très banale, pas vraiment moche mais pas de quoi révolutionner la face du stylisme. 

Rien de comparable à ce que dégage une icône.
Si vous croisiez cette jolie blondinette au coin d'une rue sans paparazzis, vous lui piqueriez sa tenue ?
Vous me trouvez peut-être rude. Mais ce look ne me fait ressentir aucune émotion. Je ne le trouve ni beau ni moche, ni intéressant techniquement. Juste : "bof". Je ne dit pas "bof" en regardant Coco Chanel, Courtney Love, Audrey Hepburn ou Marylin! Ni devant Dita von Teese, Anne Fontaine, Charlotte Gainsbourg. Je m'exclame "waouh" ou "beurk". Mais je dis quelque chose de plus passionné que "mouais".

Pour celles qui n'auraient pas lu le conte d'Andersen :
Les Habits Neufs de l'Empereur (nouvelle traduction)
Il était une fois un rédacteur de mode plus fashion victime que Rihanna. Il avait un habit pour chaque heure du jour et un dressing mieux fourni que celui de Victoria Beckam.

Un beau jour, deux stylistes envoyèrent un mail au rédacteur en chef. Ils lui proposèrent de lui confectionner des tenues pour la Fashion Week dans une étoffe high-tech que seules les personnes créatives pouvaient voir.  
Les deux compères demandaient en échange le financement de leur prochain show et des parutions gratuites dans les 12 numéros à venir. Le rédacteur en chef accepta avec allégresse : il pourrait ainsi repérer les artistes les plus doués du milieu et s'entourer des meilleurs directeurs artistiques.
Les deux charlatans se mirent alors au travail. Quelques jours plus tard, le rédacteur, curieux, vint voir où en était le costume conçu dans ce fameux tissu. Il ne vit rien car il n’y avait rien. Troublé, il décida de n’en parler à personne, car personne ne voulait d’un rédacteur sot.

Il envoya plusieurs assistants inspecter l’avancement des travaux. Ils ne virent pas plus le tissu que le rédacteur en chef, mais n’osèrent pas non plus l’avouer.

Toute la blogosphère parlait de cette tenue extraordinaire.

Le jour où les deux escrocs décidèrent que l’habit était achevé, ils aidèrent le rédacteur à l’enfiler.

Ainsi « vêtu » et accompagné de ses assistants personnels, le rédacteur en chef se présenta à tous les journalistes qui eux aussi, prétendirent voir ses vêtements et admirèrent sa tenue avant-gardiste.

Seul un petit garçon osa d'exclamer : « Mais il n’a pas d’habit du tout ! le rédacteur est nu ! ». Après un moment de stupeur, tout le monde s'empressa de relayer la nouvelle sur son blog. Le rédacteur comprit que tout le monde avait raison mais il resta au défilé en caleçon et fixe-chaussettes, drapé dans sa dignité.

stelda

5 commentaires:

  1. Haha, géniale ta version du conte :)
    Mais pour le style de Kate hum... c'est moche quoi.

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  2. Moche... moche ? tu confirmes ? mouahh! Merci, Zoé! J'avais l'impression d'être un OVNI!

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  3. Houuu. Ton blog, je l'aime vraiment de plus en plus! Beaucoup d'esprit, beaucoup de répartie... Tu oses et j'aime =D

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  4. Merci, Gabee! Ca me touche vraiment. Je me sens de moins en moins OVNI :D.

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