Des cheveux blancs



J'avais dit : "Nan, nan, j'achèterai pas le nouveau roman de Sophie Fontanel." Parce que d'abord, c'est un semi roman et j'en ai un peu marre de cette vague de pseudo fictions (voir mon billet précédent) et ensuite, qui a envie de lire 250 pages sur les cheveux de quelqu'un, hein ? Bon, ben moi, finalement. De passage à la Fnac pour acheter La Femme au carnet rouge, j'ai feuilleté Une Apparition de Sophie Fontanel et j'ai craqué. Y a que les imbéciles qui ne changent jamais d'avis (si ce fameux dicton est vrai, je vous dis pas le niveau de mon QI).

J'ai craqué parce que Sophie Fontanel écrit quand même vachement bien, fiction ou pas. Et puis, Soljénitsyne a bien écrit un roman entier** sur une journée au goulag, 234 pages dans lesquelles il ne se passe strictement rien, si ce n'est qu'Ivan Denissovitch mange sa soupe avec une cuillère tordue ou gratte le plâtre au-dessus de sa paillasse. Ce livre est pourtant une pure merveille. Justement, peut-être, parce qu'il ne se passe rien mais que l'auteur réussit à nous plonger dans le quotidien de cet homme innocent condamné à l'enfer.

Sophie Fontanel a des théories toujours très choquantes : après avoir affirmé que le sexe, c'est pas obligatoire, elle nous démontre que les cheveux blancs nous rendent beaux. Ok, je grossis le trait, ses histoires sont plus compliquées et plus fines mais elle a le chic pour parler de choses politiquement incorrectes. Pire, elle les rend hype. Alors que n'importe qui d'autre disant la même chose (genre moi, au pif) pourrait toujours brailler dans le désert (je sais, j'ai pas son talent), au mieux on l'ignore, on pire on lui rigole au nez. Voire on le regarde comme un fou furieux.

Mais Sophie l’avoue : quand elle décide, à 53 ans, d'arrêter les teintures, certains lui ont ri au nez, d'autres l'ont vue comme une folle furieuse. Comme quoi, l'aura a ses limites. Et justement, ce livre parle de nos limites. Enfin, je crois. C’est un drôle de voyage au bout de soi-même, au bout des inquiétudes déformées par le regard des autres, au bout de son envie. Un voyage vers la bienveillance, au cours duquel Sophie comprend qu'une chevelure blanche peut être aussi belle et séduisante qu’une brune ou une blonde. Et croise des angoisses inconnues, chez les hommes comme chez les femmes.

"Quand elle me regarda à nouveau, ce fut pour dire :
"Vous êtes bien courageuse."
Ne l’était-elle pas, elle, de passer sur le billard par angoisse de ne plus être désirable? De vivre condamnée à pire que l'immortalité, à une fausse jeunesse éternelle? " in Une Apparition, de Sophie Fontanel


Est-ce un livre fascinant? Oui, pour ce qu'il révèle de notre société. Une Apparition fait le tour de tous les préjugés liés aux cheveux gris et on réalise leur poids. C'est drôle, tout de même, cette peur panique face au cheveu blanc ! Paradoxalement, il y a 15 ans, le casque strié d'argent de la ministre Claudie Haigneré fascinait les foules. Elle avait 45 ans et des cheveux gris. En 2007, c'était Christine Lagarde qui assumait ses cheveux blancs et là aussi, elle a marqué les esprits.

Non, les cheveux blancs ne sont pas négligés. Dit-on à une femme qui a des rides qu'elle est négligée ? Que c'est un manque de correction envers les autres de ne pas se botoxer ? Non, n'est-ce pas. En tout cas, rarement. Mais les cheveux blancs sont toujours vus comme un tabou, un signe de vieillesse, limite de sénilité, en tout cas, le début de la fin.

Savez-vous à quel âge ces fameux cheveux blancs apparaissent ? 33 ans, en moyenne. 30 ans chez les rousses, 34 chez les blondes, je crois. Pas cinquante, pas soixante. 33. Ma belle-soeur a 45 ans et elle se teint les cheveux depuis près de 15 ans. J'ai eu mon premier cheveu blanc à 21 ans. Comme :
  1. Je n'allais pas me les arracher tous
  2. Je trouvais les couleurs "maison" abominables (et elles l'étaient, il y a vingt ans, surtout pour les cheveux noirs!)
  3. J'étais trop fauchée pour aller claquer 80 euros par mois chez le coiffeur 
  4. Plutôt crever que d'avoir des racines, 
... j'ai zappé la case teinture. Et j'ai laissé mes cheveux blancs vivre leur vie. Mais qu'est-ce que j'ai dû me battre! Résistance chez le coiffeur, résistance aux réflexions des copines. "Tu devrais te faire une couleur". Mais non. Non. Non. Pourquoi ? Je ne trouvais pas ça moche. Ces cheveux gris rappelaient juste que je n'avais plus 20 ans. J'en avais 25, 30, 35. 40... C'est pas grave.
Je ne militais pas pour le cheveu blanc, ni pour l'arrêt des teintures. Je refusais juste de m'obliger à perdre du temps et de l'argent pour faire plaisir aux autres. Et petit à petit, les gens l’ont accepté. Et ils ont arrêté de me parler de teinture.

Ah, au fait : MC Solaar a sorti un nouvel album. Avec une chanson très joliment intitulée... Sonotone. J'adore. Je suis devenue vieille, voilà.


Une Apparition, de Sophie Fontanel, Robert Laffont, 252 pages, 19 €

PS : faut que vous parle de La Femme au carnet rouge, vraiment, vraiment!

** Une Journée d'Ivan Denissovitch, d'Alexandre Soljénitsyne. 

stelda

21 commentaires:

  1. ce bouquin a l'air en effet fascinant... de mon côté, je suis fascinée par une collègue dont je parle ici:
    https://destylesenaiguilles.fr/2016/03/08/street-next-door-style/

    elle me fascine car elle fait même plus que Sophie Fontanel: elle fait de ses cheveux blancs/ gris (totalement hein), carrément un accessoire de mode en s'habillant entièrement en dégradés de gris sauf une touche de marron... c'est d'une classe absolue!!!

    Bon, moi c'est pas demain la veille: cet été, ma belle-mère (vu mon grand âge :-) croyait même que je me teignais les cheveux en noir... Pour dire à quel point j'en suis loin (je dois avoir 2 fils blancs qui traînent sur la tête et que j'arrache et c'est tout... ET comme dans la famille du côté de mon père c'est même coloris... et zéro cheveux blancs à 80 balais, je suis pas rendue.... :-)

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    1. Je me rappelle de ton article :) J'ai aussi une collègue qui a un magnifique carré d'un blanc nacré, elle est à tomber.
      L'apparition des cheveux blancs est vraiment une histoire de génétique : mon frère a eu des cheveux blancs à 18 ans et à 40 ans, il ressemblait à Georges Clooney :)

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  2. lien à propos de ma collègue (qui me fait carrément rêver d'avoir les cheveux gris!!): ICI

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  3. J'ai toujours aimé les cheveux blancs, ce qui tombe bien car j'en ai depuis mes 18 ans ;)

    Une petite chanson sur les cheveux blancs : https://www.youtube.com/watch?v=EiGsdwC0OB8
    (Pas aussi chouette que La garde-robe d'Elizabeth, mais une chanson dans le thème).
    Bises,
    Maeve

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    1. Merci Maeve, je ne connaissais pas :) et j'ai découvert la chanteuse, du coup! bises

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  4. Ma mère a vu ses premiers cheveux blancs apparaitre à la trentaine. Elle a longtemps teint ses cheveux et puis en a eu marre, un jour. Marre de l'entretien que cela demande, marre car elle avait le cuir chevelu sensible. Elle a fini par passer au tout gris/blanc il y a une douzaine d'années il me semble, autour de ses 50 ans. Et ça lui va à ravir. Ses cheveux sont plus beaux, plus volumineux. Elle les entretient pour qu'ils restent bien blancs et soient bien coupés, elle a un peu modifié les couleurs de sa garde-robe. Mais ce fut une telle réussite qu'elle a motivé ma grand-mère (qui se teignait les cheveux) de l'imiter.
    Pour ma part il semble que je tiens plutôt de mon père, pas de cheveu blanc à l'horizon alors que j'ai fêté mes 36 ans. Mais quand cela viendra, je ne suis pas sûre non plus d'avoir envie de rentrer dans le cercle infernal des teintures et de l'entretien que cela demande !

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    1. Oh, motiver sa propre mère, c'est super! Quelle jolie confiance!

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  5. La soixantaine, cheveux chatain clair, très fin, coupés en un carré court. Premiers cheveux gris vers les 50 ans, maintenant il y en a un peu plus: des gris, des translucides et des blancs.
    Je sais depuis très longtemps que je ne les teindrai pas. D'une part parce que ça devient un esclavage pour que ce soit toujours bien, d'autre part parce que les couleurs proposées ne sont pas terribles, qu'à la longue le cheveu ternit, et enfin parce que je me trouve bien avec cette évolution: je commence à avoir des rides, la peau moins ferme, les cheveux gris-blancs sont donc logiques.
    Et aussi, autour de moi, il y a des femmes qui ont des magnifiques cheveux blancs ou gris, vraiment magnifiques.
    Je ne crains pas les signes extérieurs de vieillesse, j'appréhende davantage les autres conséquences (mémoire, perte d'autonomie, etc...)
    Belle journée

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    1. C'est aussi ce que dit Sophie Fontanel : pour elle, les cheveux blancs apparaissent à l'âge "où l'on a besoin de redonner de la lumière au visage". Je trouve ça très joli!
      Bonne semaine à toi :)

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  6. Je lirai certainement le bouquin de Sophie Fontanel, j'aime son écriture et son esprit, et puis son humanité et son humour aussi !
    Dès le départ de son aventure, le premier truc que je me suis dit, c'est que forcément, ça allait donner un beau résultat sur elle. Et j'avoue c'est de la jalousie de bas étage... Nan mais elle a une tignasse de rêve, non ? Moi, même sans cheveux blancs (j'en ai 4-5 depuis toujours, et pis c'est tout, à 44 ans), mes cheveux sont moches, pauvres, fins, bref je les teins un peu pour leur donner plus d'allure... Les photos qu'on nous montre de chevelures grises ou blanches sont toujours des crinières pour lesquelles je serais limite prête à signer un pacte avec le diable ;-)

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    1. Ce livre est un journal de bord très vivant, je pense que tu vas bien aimer.

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  7. Je vais certainement acheter son livre. Ca fait +/- cinq ans que j'ai décidé d'arreter les teintures, j'en avais très envie mais quand j'avais fait un premier essai, les réflexions désobligeantes se sont multipliées et j'avais recraqué une fois.
    Et puis j'ai vu cette vidéo de Nadine chez Cut by Fred :
    http://cutbyfred.com/2011/09/nadine-super-white/
    Et là je me suis dit, cette fois-ci plus personne ne me fera changer d'avis, à nouveau j'ai laissé le naturel, poivre et sel. Trois centimètres de racine et hop courte très courte pour enlever les restes de colos en une fois.
    J'assume pleinement mon poivre et sel, je n'ai jamais regretté cette décision.
    Je n'ai malheureusement pas la crinière de Sophie, mes cheveux sont fins et je n'en ai pas beaucoup mais faut faire avec. Mon prochain défi, les laisser repousser plus bas que les épaules.

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    1. J'ai retrouvé l'année où je suis devenue poivre et sel définitivement c'était en 2012

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    2. Je comprends que tu aies coupé pour éviter le "deux-ton", ça, franchement, je trouve ça atroce. J'aurais fait pareil!
      Merci d'avoir mis le lien de la vidéo de Fred, elle est super.

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  8. Si j'arrive à trouver le livre je le lirai. Mais non ce n'est pas évident d'assumer ses cheveux blancs à 50 ans. ( cas classique du ras le bol de la teinture qui fait souffrir et hop coupe sévère et crac me voilà argentée)Le regard des autres, c'est une chose. Mais le regard qu'on porte sur soi,et l'acceptation de cette irréversibilité n'est pas si aisé que ça! Parfois je me reverrais bien en fausse blonde enchignonnée maquillée et amincie. Avec 10 ans de moins Aïe, c'est vrai! Mais décidément non, je n'aime pas le "faux blond" et je préfère mon "vrai argenté"

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    1. C'est en effet le regard qu'on porte sur soi-même qu'il faut changer. Je pense souvent que mon handicap a été une sacrée force : il m'a permis d'accepter tous les autres "défauts" , la cellulite, les cheveux blancs... ce n'est pas grand chose à côté de bouts de bras en moins. Et je me suis dit que si j'arrivais à assumer ces bras tout bizarre, je pouvais très bien assumer des cheveux blancs! Je ne sais pas ce qu'un psy penserait de mon raisonnement mais bon :D Par contre, je vois très bien ce que tu veux dire quand tu parles de retomber sur une photo prise dix ans plus tôt. Ca m'est arrivé il y a quelques mors et je me suis "ouche, quand même, j'ai vieilli!!!" :D Faut accepter ce qu'on ne peut pas changer... et j'ai beaucoup aimé la citation de Sophie que j'ai mise dans l'article.

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  9. Elle doit faire une conférence au Who's next. Malheureusement à cette époque, je ne peux pas trop fermer et donc ja vais louper sa conférence :(

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  10. Fan de la première heure de Sophie Fontanel, j'adore sa spontanéité ! J'ai suivi de près son évolution capilaire ... et été presque traumatisée quand elle s'est retrouvée avec les pointes noires et les racines blanches !
    De mon côté, je n'ai jamais voulu etre esclave de teintures alors je les ai laissés venir petit à petit. Je vais un balayage deux à trois fois par an et basta ... c'est la liberté, même si beaucoup de mes amies ne comprennent pas ...
    Par contre, pour moi, cela implique une coupe impeccable !
    A très vite Stelda

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    1. Les racines blanches et les longueurs noires, c'était courageux!!! Et je suis d'accord avec toi : les cheveux gris, finalement, c'est une double liberté :)

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