Tous créateurs et victimes des modes ?



Un mois sans écrire ici, ça ne m'était, je crois, jamais arrivé. La première semaine, la coupure m'a été imposée par une panne de réseau internet. Et puis ensuite, j'ai regardé le soleil, le ciel bleu, la pile de bouquins que je dévorais et je me suis dit : "Cocotte, tes lectrices aussi sont en vacances (peut-être pas toutes mais, enfin, sûrement certaines) et franchement, elles ont mieux à faire qu'aller sur internet Faire des apéros avec des amis, se balader en ville le nez au vent, flâner dans un parc, faire une ballade en canoë, dormir sur la pelouse, ranger leur dressing de fond en comble, bref, tout ce qu'on fait pendant les vacances." Alors j'ai pensé qu'une pause, finalement, c'était une bonne idée. 

Et j'ai décidé de ralentir ma lecture des réseaux sociaux. Je pensais être assez rebelle pour les gérer mais je commence à mesurer l'ampleur des dégâts qu'ils provoquent. Par exemple, j'ai vu ces derniers temps des filles, drôles et légères il y a encore deux ans, lancer des tweets de plus en plus en plus cassants et aigres. C'est normal, j'ai fait pareil : c'est quasi impossible de ne pas sentir la rage monter face à certaines infos qui défilent sur notre time line. Mais je n'ai pas du tout envie de devenir aigre. Alors je me suis calmée sur Twitter (un peu diront certains, en tout cas, pour moi, c'est beaucoup).

Idem en déco. On avait une vieille table basse en bois sombre qui trônait depuis quinze ans dans notre salon. A force de faire des shoppings déco au boulot, de zieuter les fils Insta des copines et d'arpenter les sélections Pinterest, je me suis dit qu'il fallait en changer. J'ai cherché LA table parfaite pendant un an, évidemment, je ne l'ai pas trouvée mais j'en ai trouvé une qui convenait. Deux, en réalité, puisque ce sont des tables gigognes seventies. Et bien aussitôt posées dans mon salon, je les ai détestées. J'avais l'impression d'avoir un salon Pinterest. Surtout, je me suis détestée. Ca m'arrivait, à moi!!! Suivre une mode, comme un mouton! Non, mais je vous jure. Suivre une mode est loin d'être un crime, bien sûr. A condition qu'elle vous ressemble. Et là, ce salon avec cette vilaine table que j'avais retapée il y a trèèèès longtemps, sur laquelle les Lutins dessinaient à quatre pattes, qui accueillaient des dizaines de magazines toute la semaine et des dizaines de verres le week-end pour l'apéro-copains, ben c'était nous. Par contre, je ne regrette pas d'avoir essayé de changer un peu, d'avoir rangé la maison et je kiffe mes nouveaux coussins.

Ceci n'est pas chez moi

J'hésitais à vous casser les pieds avec ma philosophie de comptoir de blog et c'est Garance Doré qui m'a décidée. Il y a quelques jours, elle a posté à peu près les mêmes réflexions et analyse le phénomène ainsi : 

"Je trouve que les modes créées par Internet sont d’une puissance hallucinantes, qu’elles sont tenaces et selon moi, c’est parce que personne n’est là pour les arrêter.
Avant, c’était les magazines qui filtraient les modes, il fallait bien changer un peu à chaque saison et surtout, on n’avait à peu près aucun moyen de savoir ce que les lecteurs avaient aimé. C’était donc les éditeurs qui devaient filtrer le contenu, et essayer d’apporter un vrai point de vue.
Mais avec Internet, on est dans un trip différent. Il y a deux choses :
1/ Ce sont les likes qui guident le contenu – la plupart des sites sont à la course aux like donc ils font du contenu dont ils sont sûrs du succès – si le jeans blanc sur cuisses maigres génère du like, on peut être sûrs d’en revoir, à l’infini.
2/ Les contenus se renvoient les uns aux autres, à l’aide de cookies (par exemple, ces pubs qui nous suivent de site en site avec les chaussures qu’on a failli acheter), de “si vous avez aimé ceci, vous aimerez cela” et de “si vous followez ce compte, vous aimerez celui-ci” contenus similaires qui nous confinent dans nos propres mondes.
Même si la diversité est à un clic, on ne la voit plus – et la rechercher devient de plus en plus compliquée. Et à force de contenu spécialement sélectionné pour nous et fait pour qu’on like like like***, on peut très très vite s’emmerder. Et avoir l’impression que tout se ressemble.
Donc voilà, je n’ai aucune solution à apporter, si ce n’est pour vous dire que personnellement, je pense qu’un jour on va arriver au bout de la culture du like et qu’il va se passer quelque chose de nouveau." Garance Doré, in Editor's Letter #8


es articles sont déjà parus sur le sujet mais je trouve qu'elle synthétise extrêmement bien le problème. Elle a raison et elle est la seule à le dire : il n'y a plus de contre-poids aux cycles des modes. Alors elles deviennent folles. Et nous aussi, un peu. Avec toutes ces jolies choses qu'on dévore H24, on finit par oublier celles qui nous correspondent vraiment, et pourquoi. Et ça, c'est triste. Oui, c'est joli. Mais c'est fade. Et un peu ridicule, finalement. Comme si on vivait tous dans un showroom Ikéa / Casto / Habitat... avec un dressing  stylé Claudie Pierlot / like-Dior (c'est-à-dire Zara) ou que sais-je.

Dernier exemple en date : le hygge. Selon une étude, les Danois seraient dans le top 3 des peuples les plus heureux du monde. Il n'en fallait pas tant pour justifier l'importation frénétique de hygge à haute dose. A nous chaussettes et bougies, peau de mouton et tasse de thé chaude et vive le hygge.
Mais est-ce vraiment cela, le hygge ? Pas si sûr, le hygge des uns n'est pas forcément le hygge des autres. Et pas sûr qu'arpenter les boutiques à la recherche de plaids en laine tricotée soit vraiment hygge. 

Le hygge, le vrai, c'est ce qui nous correspond et qui nous donne la banane le matin. Si c'est une vieille table pourrie, alors tant pis. Si c'est une table scandinave, tant mieux. Mais ça peut être un guéridon Empire, jugé ridicule pour 99,999 % des gens en 2017 (je vous conseille d'investir si vous aimez, c'est le moment, profitez de la marée basse). 

Mon hygge, c'est d'avoir retrouvé les livres, le temps de biller sans consulter mon smartphone. J'espère que vous me pardonnerez d'avoir été muette ce dernier mois. Parce que si je suis contente de revenir ici, c'est d'abord pour discuter avec vous. Comme si on prenait un café ensemble :).

stelda

7 commentaires:

  1. Welcome back! :)
    Hier, en faisant défiler mon feed facebok, je me faisais justement la réflexion de l'ennui profond que celui-ci provoquait chez moi. Idem pour instagram. L'ennui de revoir toujours la meme chose. Pas de solution à apporter, mais j'ai hate de voir arriver un petit souffle frais!

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    1. J'ai trouvé une solution : je ne regarde plus que les comptes des copines et ceux "pas à la mode", c'est-à-dire les musées, les maisons d'édition, les artistes, etc. Mais il faut se battre contre ce s**%! algorithme qui te renvoie toujours vers les mêmes choses...

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  2. Heureuse de te retrouver!
    Moi j'ai acheté un tapis berbère que l'on voyait partout(un Instagram lui est même dédié!)je l'ai détesté dès que je l'ai posé dans mon salon!C'était plus chez moi,j'ai remis mon ancien tapis très coloré qui allait tellement mieux dans mon univers au bout de 4 mois de déprime chaque fois que je voyais ce tapis berbère si fade!et oui je me suis sentie manipulée par les blogs de déco...
    Voilà pourquoi j'apprécie tellement ton blog honnête et sincère!
    MP

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    1. Un insta dédié à un tapis ???! OMG! je ne pensais pas voir ça un jour...C'est le grand tapis blanc avec des espèces de losanges bleus, c'est ça ?
      Un énorme merci pour ton commentaire, qui me touche beaucoup. Merci <3

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  3. c'est une belle analyse. Je me demande parfois si je suis normale, je regarde les réseaux sociaux mais je ne change pas ma décoration pour autant.A la maison, je suis la seule à avoir un compte instagram et facebook ; mon mari et mon fils n'en ont pas ! Donc il n'y a pas de nouvelles envies de ce coté. Pour la mode, je suis de loin les tendances mais écoute surtout mes clientes réelles et mes coups de cœur (peut-être influencé par les réseaux inconsciemment)

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    1. Tu n'es pas normale, tu es extra, Christine <3. Et tu as raison d'écouter tes coups de coeur, c'est ce qui fait qu'on voit dans ta boutique des choses différentes.
      Mon mari n'a pas de compte FB et Lutin n°1 en a un depuis seulement cette année :)

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  4. Ha!Enfin une réflexion qui change! Pas de facebook pour moi (et non, ça ne me manque pas) mais un compte IG, sur lequel j'ai un peu l'impression de tourner en rond.... (petit exemple stupide: la duchesse de Cambridge attend un heureux évènement, j'en ai mangé toutes les 3 photos aujourd'hui j'en peux pluuus!)Et en effet j'ai l'impression de buter sur un mur invisible qui me fait constamment retourner vers "mes centres d'intérêt" sans arriver à en sortir...

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