Oui, on peut mettre un H, parce qu'on s'attaque à un sujet tabou, le chéri, ou plus exactement, le style de Chéri. Vous
l’aimez à la folie, il est le soleil de vos matins, l’amour de
votre vie, l’homme de vos vieux jours, vous le voyez déjà bercer
vos enfants et vous êtes prête à le pousser dans un petit chariot
le long des allées de la maison de retraite… mais pas dans ce
vieux tee-shirt Orangina. Vous l’aimez passionnément mais
vous détester tout autant sa garde-robe. Ses baskets avachies, ses
costumes gris comme un matin de novembre, ses pulls trop grands, ses
cravates étriqués, vous rêvez de les jeter en boule dans une
poubelle ou d’en faire un feu de joie. C’est décidé : vous
avez dit oui, vous êtes d’accord pour le meilleur, mais sans le
pire.
Un matin, vous décidez de prendre les choses en main. Armée de
votre bon goût et d'un grand sac poubelle, votre première action
est d'ouvrir le placard d'une main et de jeter dans le sac ci-nommé
tout ce qui vous sort par les yeux : tee-shirts sigles de marques de
plomberie, pulls boulochés et jeans aux coupes préhistoriques. Quand, fière du travail accompli, vous lui
annoncez la voix vibrante : "Chéri, j'ai trié tes affaires",
l'homme pousse généralement des cris de nourrisson désespéré.
"Non, pas mon coll roulé noir, il allait avec tout ! Et
mon tee shirt NYC University ? C'est un souvenir des vacances passées
l’été de mes 19 ans avec mon cousin ! " Vous êtes
dépitée par tant d’ingratitude, mettez à pleurer ou boudez
pendant toute la soirée, tandis que Monsieur, indigné, remet sur
les étagères ses vieux habits porte-bonheur. Vous l'avez compris,
mauvaise option. Mieux vaut opérer en douceur et avant tout, se
poser les bonnes questions.
Non, Chouchou n’est pas une poupée.
Pourquoi
voulez-vous rhabiller Chouchou ? Pour lui ou pour vous ?
Première option : vous ne supportez plus les ricanements de
votre soeur, vos collègues ou vos voisins sur son style, ses
assemblages hétéroclites de couleurs et de matières froissent
votre sens de l’esthétique. On a envie de vous répondre : et
alors ? Vous avez choisi un conjoint, pas un faire-valoir.
L’Homme a un cerveau, un coeur, et des goûts propres, différents,
voire diamétralement opposés aux vôtres. Il ne vous a pas demandé
de jeter vos trente-cinq paires d’escarpins vernis et vos
ballerines à strass avant de l’épouser, ayez la grâce de
l’accepter avec ses tenues quelles qu’elles soient. Mais vous
pouvez lui dire avec gentillesse que vous seriez très fière de
révéler à la face du monde le Georges Clooney qui sommeille en
lui. S’il ne vous croit pas, montrez-lui le film des Tomates
tueuses, il comprendra qu’une coupe de cheveux peut changer la vie
d’un homme.
S’il
est cadre ou chef d’entreprise, une tenue négligée ou
inappropriée est un handicap et tue souvent dans l’oeuf la
possibilité d’accéder à un poste d’encadrement ou nécessitant
de la représentation. Tout le monde n’est pas Steve Jobs, et
d’ailleurs, le grand Steve lui-même portait des chemises, une
cravate et même un gilet quand il était jeune (oui, on vous en
bouche un coin là, mais on a des photos). Si votre mari réalise les
meilleurs objectifs et les plus longues journées de travail mais ne
sera jamais, jamais, jamais, big chief manager parce qu’il se
pointe en t-shirt Mickey au bureau le lundi, il est d’intérêt
général d’épousseter sa garde-robe.
Réaliser le diagnostic
Les
bonnes raisons étant posées, passons au diagnostic. Les hommes à
rhabiller se divisent en deux groupes : les (trop) décontractés
et les indécrottables classiques. La première espèce est plus
coriace à mater mais dans tous les cas, le traitement doit être
homéopathique. Restez mesurée, allez-y piano, pianissimo. Commencez
par trier son placard, mais avec lui, et comme avec les enfants,
faites des concessions. OK pour les t-shirts fétiches, les pantalons
vintage des années 1990 mais à la maison. Et faites preuve
d’empathie : vous gardez bien votre robe de mariée, dans
laquelle vous ne glissez plus qu’une demi cuisse, il a le droit de
dormir avec un pyjama en pilou. A chacun ses marottes.
Ryan Gosling, lui, aime boire son café bien au frais |
Déminer le terrain
Qu’il
soit négligé ou un peu coincé, Monsieur présente généralement
une allergie profonde aux magasins. Faites votre repérage à
l’avance, vous vous épargnerez à tous les deux des heures
d’errances et d’exaspérations et bloquez une matinée dans la
semaine, vous éviterez la cohue du samedi et gagnerez des vendeuses
plus disponibles. Obtenir enfin la promotion méritée ou le respect
de sa belle-mère vaut bien une RTT et, cerise sur le gâteau, vous
pourrez déjeunez ensemble après. Dites-lui : « On en a
pour trois heures », et filez dans la boutique, le grand
magasin ou le concept store qui propose le maximum de votre
pré-sélection. Vous pourrez boucler le pensum en moins de deux
heures, gagnant ainsi sa reconnaissance éternelle (et
peut-être même un bouquet de roses).
Une
fois sur le terrain, intégrez Chouchou à la conversation avec les
vendeuses. Même s’il déteste faire les boutiques, il ne mérite
pas d’être traité comme un pot de fleur ou un enfant de 18 mois.
Pour rhabiller un décontracté-né, misez sur une seule session et
achetez de quoi composer plusieurs tenues. C’est la seule façon
d’éradiquer le mal. Trois chemises, deux pantalons, un manteau ou
une veste, une paire de chaussures sont un bon départ. S’il répond
par onomatopées ou « Je ne sais pas », susurrez :
« Prenons ce modèle, on pourra toujours revenir échanger »…
la perspective de revenir poussant généralement les plus rétifs à
faire le bon choix, Chouchou va tout de suite y mettre un peu du
sien.
Evitez de passer sans transition du blazer gris trop grand à la veste slim en jacquard |
Révélez-le à lui-même
Si
Monsieur est un classique-né, ne jurant que par ses pulls col V et
ses pantalons de velours, une seule option : twistez. Bien connu
des fans de mode, ce terme anglais résume toute l’art du vêtement
à la française en mélangeant avec subtilité les codes classiques
et modernes. Remplacez sa chemise en vichy par une marinière
(toujours classique mais plus décontractée), ses cravates par un
nœud papillon fleuri (rétro mais gai), des mocassins par des
bottines montantes en daim, etc. Encore une fois, allez-y par petites
touches, il ne faut pas effrayer Chouchou. Laissez-lui le temps de
s’habituer à une touche de fantaisie et d’accepter ces
changements. Et écoutez-le. Il déteste le moutarde ? Tant pis si
vous adorez cette couleur et si toutes les vendeuses hurlent qu’elle
est à la mode cet hiver, c’est lui qui la porte, pas vous.
Imaginez votre réaction s’il vous bassinait matin et soir pour que
vous enfiliez une robe rose, rouge, violette, bref, d’une couleur
que vous abborrez… L’amour, c’est regarder ensemble dans la
même direction mais aussi épargner à autrui ce que l’on ne
voudrait pas subir.
Pour s'inspirer :
You're so French, Men! l'excellent livre d'Isabelle Thomas et Frédérique Veysset. Elles y analysent les secrets de style d'une brochette d'hommes de 23 à 73 ans. Et c'est loin d'être le costard-cravate.
Le meilleur blog masculin au monde (oui, oui) : Bonne gueule
Chez moi, c'est l'inverse : monsieur est stylé et moi.... no comment !
RépondreSupprimerMais je me rattrape en lisant ce magnifique blog !!
PS : j'ai un contre-exemple de patron mal fagoté : Mark Zuckerberg
hahaha, ça arrive! Dans le genre mal fagoté, Miuccia Prada est pas mal non plus... J'ai envie de pleurer à chaque fois.
SupprimerEt pourtant, il y a du changement ! En regardant dans la rue ces messieurs avec une barbe si bien entretenue (même les barbiers sont revenus !), le bas du pantalon roulotté et une belle serviette à la main, on ne peut qu'exprimer le regret qu'il ne s'agit pas de notre génération...C'est trop tard :(
RépondreSupprimerIls sont encore loin d'être une majorité... même chez les jeunes :)
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