Depuis samedi dernier, le Jeu de Paume présente au château de
Tours une (toute) petite partie du travail de Zofia Rydet. Une
illustre inconnue en France, sauf chez quelques photoaddicts, mais
reconnue comme l'une des plus grandes photographes polonaises : Zofia
a fait un travail monumental, qu'elle a baptisé Le Répertoire
sociologique. De 1978 à 1990, elle a photographié les hommes, les
femmes et les enfants de Pologne, leur maison, leurs objets, aussi,
prise d'une espèce d'angoisse à l'idée que tout disparaisse un
jour. Plus de 20 000 photos, classées selon une typologie très
personnelle, parfois pas très bien classées, avec des légendes
plus ou moins complètes... et dont elle n'a développé qu'1
ou 2 % des négatifs. Les deux commissaire de l'exposition expliquent
avoir dû faire un travail de fourmi pour retrouver tous ses fils
conducteurs et mettre en avant la cohérence de ce travail.
Comme l'artiste prenait beaucoup de photos au grand angle et avec un
flash très puissant, le travail de tirage a lui aussi été très
délicat.
Dans les grandes salles du château, l'effet est saisissant :
des dizaines de photos noir et blanc se serrent sur les murs, collées
les unes aux autres. Comme un immense film négatif. Ou comme
des papillons épinglés dans une boîte. Aucune légende, les images
se suffisent à elles-même. On peut jouer à Où est Charlie ?
et tenter de deviner le point commun à chaque groupe de photos,
puisque Zofia les classe aussi en fonction des objets qui
apparaissent sur les clichés : un téléviseur, un lit, une porte...
et même les portraits du pape Jean-Paul II.
Faut-il aller voir cette exposition ? Pour moi, oui, non pour sa beauté mais pour toutes les réflexions qu'elle porte : la photo est-elle toujours un art ou peut-elle être un médium scientifique ? Cet "oeil ouvert sur le monde" l'est-il vraiment ou est-il un miroir qui reflète juste nos névroses ? Le photographe peut-il se contenter de montrer ? Plus je regarde de photos et plus cet art me semble mystérieux. Le plus factuel, et pourtant, comme par magie, chaque photographe imprime sa personnalité, volontairement ou non, dans ses images. Et devant tous ces visages figés par Zofia, j'ai eu mal au coeur. Une grande tristesse, comme si je visitais un mausolée. Tristesse aussi face aux émotions de la photographe que je ressentais derrière ce travail névrotique.
En effet, un témoignage sociologique d'une artiste - comme une pièce de théâtre ou la littérature peuvent être des oeuvres de témoignages d'une époque ! La dernière photo est saisissante.
RépondreSupprimerMerci de nous parler de cette photographe que nous ne connaissons pas