Sabine Weiss, artisan et témoin

Sabine Weiss (1924 - )
Son travail est plein d'imperfections, mais elle s'en moque : "Une photo floue, c'est pas grave si ça dit quelque chose." Les meilleures photos de Sabine Weiss sont celles qu'elle prenait dans la rue, à la volée. Des ombres dans les rues pavées, des danseurs, des marchands à la sauvette. Et des enfants,  des gitans endimanchés hauts comme trois pommes, des gosses des mines du Nord ou des petites filles avec des robes à volants, "des petits morveux" comme elle les appelle sans fausse pitié ni mépris.

C'est 70 ans d'une vie de photographe qui est exposée en ce moment au château de Tours. Depuis les années 1950, Sabine Weiss montre ce qu'elle voit, d'une manière à la fois distanciée et naïve. Elle est loin du génie d'un Caron et d'un Irving Penn ou de l'esthétisme de son mentor Willy Maywald mais elle l'assume sans états d'âme : "Je n'étais qu'un témoin ce que je voyais."

"Maintenant, quand quelque chose vous ennuie, vous appelez Photoshop au secours. C'est presque frustrant de voir que la photo est devenue si facile." Sabine Weiss ne mâche pas ses mots et revendique son côté "artisanal". Elle sera photographe pour des magazines de luxe mais c'est son travail personnel qu'on retient et c'est grâce à ce regard simple qui lui ouvrira des portes : Robert Doisneau repère ses photos et lui la recommande auprès de Vogue. Elle y réalise pendant plusieurs années les photos de présentation des collections de haute couture et des portraits de stars. Elle intègre l'agence Rapho en 1952.

Jeanne Moreau, pour Vogue

Ses photos pour Vogue sont de pures commandes et ont peu d'intérêt, si ce n'est celui du témoignage sur la mode de l'époque... mais c'est l'un des rôles de la photo trop souvent oublié. On apprend ainsi qu'en 1954, une robe couture vaut 24 000 francs, un tailleur 31 000, qu'un Vogue coûte 500 francs. Les rédactrices utilisent déjà la phrase "la meilleure actrice du moment" pour présenter Jeanne Moreau. En 60 ans, finalement, rien n'a changé! Dans les rues de Paris non plus : il y avait des terrains vagues, des enfants pauvres, des sourires, et "des gens qui ne vous regardent pas, parce qu'ils sont trop malheureux", explique Sabine Weiss.

Elle avoue "aimer la difficulté" et raconte avec beaucoup de drôlerie les coulisses des photos de publicité de l'époque, ses astuces pour faire sourire les bébés et pour apprivoiser les poussins ou les chiots. Et derrière les 130 photos que l'on admire au fil de cette exposition, Sabine Weiss nous ramène à une réflexion sur le travail de photographe, la façon dont on le perçoit. Qu'est-ce qui fait qu'un photographe devient célèbre ? Est-il un créateur ou un témoin ? Un artiste ou un artisan ? Pourquoi le terme d'artisan est si péjoratif dans ce métier ? Et la liberté, la vraie, est peut-être de se donner les moyens de faire ce qu'on aime. Plus qu'une leçon d'esthétisme, Sabine Weiss offre une leçon de vie.

"Je n'étais qu'un témoin de ce que je voyais"

Sabine Weiss

Château de Tours, 25 avenue André Malraux. Jusqu'au 30 octobre
"Je suis un cheval," Espagne, 1954
Enfant perdu dans un magasin, New York


1957



Sabine Weiss - Jeu de Paume Château de Tours from Jeu de Paume / magazine on Vimeo.

Sources photos : Sabine Weiss, site du Jeu de Paume

stelda

2 commentaires:

  1. Nous n'avons pas eu le temps mais ça a l'air de valoir le coup d'oeil ! :)

    Bises,

    Anthony & Noémie
    notrecarnetdaventures.com

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    Réponses
    1. Peut-être aurez-vous l'occasion de la voir si vous revenez pour un week-end dans la région ;) ?
      Bisous!

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