Il y a plusieurs manières de penser à contre-courant. De faire de la résistance contre la déshumanisation, l'uniformisation, la surconsommation, l'ultra-matérialisme, la libéralisation à outrance qui mène au gâchis de nos ressources et surtout, de nous-même.

On peut, comme le fondateur de Pic de Nore, se battre pour valoriser le savoir-faire de ses collaborateurs. On peut aussi, comme les designers Flavie+Paul, imaginer des objets qui poussent leur utilisateur à réfléchir et changer ses habitudes. On peut, comme Alice, la créatrice de la lingerie Mutti, refuser de cautionner une délocalisation honteuse.

On peut aussi agir comme les parfums Weil, avec un sens du commerce à long terme. Créée dans les années 20 par un fourreur parisien pour cacher l'odeur des peaux (hé oui!!), la marque a été rachetée en 2002 par Arômes ligériens, une petite société tourangelle qui travaillait déjà dans le secteur de la cosmétique. Quand ils reprennent Weil, la marque est un peu endormie. Les dirigeants d'Arômes ligériens relookent les flacons et font appel à un jeune nez reconnu pour lancer de nouveaux parfums, aux arômes complexes et vraiment surprenants, une originalité que l'on perçoit rien qu'en lisant la description des parfums.

Leur plus grosse innovation, c'est côté distribution. Ils décident de travailler à leur manière, bien loin de la stratégie exigée par les Marionnaud, Nocibé et autres Séphora (d'ailleurs, à propos de Séphora, faudra que je vous raconte une histoire). Avec les parfumeries indépendantes et surtout, les esthéticiennes. Elles sont proches de leurs clientes, les connaissent. Les Parfums Weil choisissent donc ce circuit de distribution qu'ils connaissent bien.

Beaucoup d'entre elles ont d'abord peur que Weil leur demande des objectifs, leur impose des achats minimum, comme font beaucoup de marques. Mais non. La directrice de Weil m'a expliqué : "On ne veut pas travailler à l'abattage, on n'est pas là pour pressurer les gens en leur imposant des conditions de commandes ou de paiement effroyables. Un parfum, il faut prendre le temps de le choisir, d'en parler." La marque mise donc sur une politique commerciale rare actuellement : le "Zéro contrainte". Et ça marche. 

Zéro contrainte aussi pour les clientes, puisque la marque propose tous ses parfums en flacons de sac de 10 ml à 19 €, dont le petit prix permet aux clientes un achat "sans risques". Là encore, la directrice m'explique s'être adaptée aux clientes : "Parfois, on a envie d'acheter 2 parfums pour en changer, et on hésite à cause du prix. Ou on a peur de s'en lasser. Avec un petit format, on saute plus facilement le pas." Petit format, mais grande idée : elle est d'ailleurs en train de se généraliser en cosmétique, parfumerie et maquillage.

J'ai passé une heure dans les locaux des parfums Weil, à sentir la collection. J'ai même pu sentir un parfum des années 50, conservé soigneusement dans son flacon d'époque.  C'était très émouvant. Et j'ai appris une foule de choses sur le parfum, sa fabrication, j'ai rencontré une personne passionnée par son métier, qui souhaite respecter le rythme des gens avec lesquels elle travaille.

Je suis sortie de là embaumant le patchouli, le fleur d'oranger, la pomme et la mandarine, et surtout, heureuse. J'aurai bien rebaptisé leur parfum Greedy "Happy". 

Le site des Parfums Weil

PS : à Paris, les parfumeries indépendantes reviennent... sous des noms plus chics, "bar à parfums", mieux aménagées, mais le principe est bel et bien le même. 

PPS : On devrait peut-être suggérer à la grande distribution de passer à la politique Zéro Contrainte ?