Voir le sur-mesure d’un autre oeil


Dans une petite rue pavée du Vieux Tours, il y a Art'Optic. Une boutique de vingt mètres carrés cache des trésors : des pièces uniques, des modèles anciens, des dessins et surtout, Murielle Jubin. Murielle est aussi discrète que sa boutique et pratique un métier très courant mais dont une moitié de la fonction est complètement oubliée : elle est opticienne-lunetière.

Alors oui, des opticiens, il y en a plein partout, dans toutes les villes de France... mais Murielle travaille à l'ancienne, un peu comme un horloger, un bijoutier ou un styliste : elle fabrique des lunettes entièrement sur-mesure. Hop, hop, hop, vous entrez, elle vous fait essayer des modèles, discute, prend les mesures de votre visage, fait des dessins, découpe des formes dans du papier ou du plastique, vous montre, redécouvre les "vraies" formes, fabrique les branches, taille les verres selon les indications de l'ordonnance, monte le tout, ajuste, zip, zoup, et voili voilou. Ok, c'est un peu plus long (3 semaines, si mes souvenirs sont bons).


Murielle a longtemps travaillé dans une boutique d'optique classique et elle était frustrée de ne pas pouvoir aller jusqu'au bout de son métier, frustrée de vendre des modèles qui se ressemblaient tous, qui étaient super chers juste à cause de leur logo mais qui n'apportaient pas grand chose de plus, finalement. Comme elle adore l'art, elle a décidé de mettre un peu d'art dans les lunettes. Et de faire des lunettes adaptées à ceux qui les portent.

Qui vient la voir ? Ceux qui veulent quelque chose d'original mais aussi ceux qui ont le visage étroit,  petit ou large, le nez épais ou très fin, et qui peinent à trouver leur bonheur dans les montures "prêt-à-porter ". Et parfois, des gens qui veulent une copie d'une vieille paire, comme ici, ce modèle très années 50.


Donc, le client choisit la forme, la couleur, la matière. Murielle reproduit exactement la couleur et la matière choisies sur une "matrice" qui ressemble à un petit masque, pour qu'il voit le rendu final. Puis les plaques de plastique ou de corne sont découpées pour former l'armature, polies, poncées...

Elle ajoute l'insert, les rivets, chaque détail est choisi avec attention pour une paire harmonieuse ET confortable, parce que même si tout ça est très joli, il ne faut pas perdre de vue que des lunettes sont d'abord des prothèses médicales et comme n'importe quel opticien, Murielle a un agrément de la sécu et des mutuelles. Elle ne fabrique de lunettes de vue que sur ordonnance.

Première fois que je faisais du lèche-vitrine chez un opticien, mais ça valait le coup. Qu'on puisse mettre autant de passion, de temps et de beauté dans un objet aussi pénible que des lunettes (j'ai porté des lunettes au collège, j'ai détesté), ça m'a fascinée. Et j'ai trouvé ça fabuleux. Murielle fabrique ses lunettes comme on fabrique un bijou, avec un seul objectif : faire un objet à aimer et à garder, un vrai "compagnon" pour ses clients. Elle m'a dit : "On fait beaucoup plus attention à un objet dans lequel on s’est investi. Et quand on participe à la création d’une paire de lunettes sur mesure, on s'investit." Je pense que c'est valable pour tout (j'ai tendance à faire plus attention à des bottes à 250 euros qu'à des tongs à 10...).

Côté prix, bien sûr, elle fait un devis et c'est à peu près le coût d'une monture toute faite siglée Chanel ou Dior, avec, bien sûr, des nuances selon la matière et les finitions. Je connaissais le célèbre lunetier parisien qui fabrique des lunettes en corne ou en écaille (dont les fameuses d'Audrey Pulvar à 3.300 euros!!) mais je ne pensais pas que des gens normaux qui ne gagnent pas 20 000 euros par mois pouvaient  accéder à ce genre de travail, pour un prix "normal". Et ben si.

Echantillons de différentes matières et couleurs

Elle distribue aussi des merveilles comme les modèles du créateur Jean-François Rey. Et là, j'ai découvert qu'il existait des créateurs de lunettes! Comme en mode, Jean-François Rey imagine des modèles "couture" puis les décline en "prêt-à-porter".  Ici, des lunettes toile d'araignée. En doré, elles sont encore plus belles.



Il a créé un magnifique modèle en cuir gras qui se patine avec le temps, un autre plaqué en bois... et un modèle de lunettes de soleil à verres miroir imprimés de fleur de lys qui me font pâmer rien qu'à les regarder : c'est énorme, c'est baroque, c'est so Marchesa! Je les veux pour cet été. 

La page officielle de la boutique de Murielle : Artoptic, rue du Change, à Tours


stelda

2 commentaires:

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