Alber, revient!



Les crises se suivent et ne se ressemblent pas. Le départ de Raf Simons, c'était un coup de tonnerre mais je n'ai pas senti de désolation. L'ébranlement était plus économique qu'humain. On se doute bien que le sémillant Bernard va prendre les choses en main, trouver un remplaçant et tout repartira. Bon, pas bon, toute la machinerie Dior se remettra en branle à coups de campagnes et de défilés démesurés et les millions continueront d'affluer tranquillement (26,2 milliards d'euros de chiffre d'affaire exactement cette année). 

Le départ d'Elbaz, en revanche, c'est autre chose. C'est sur l'ordre de l'actionnaire principale de la marque que le créateur a fait ses cartons. Interdiction de dire au revoir à ses petites mains, qu'il n'a pu remercier qu'en leur envoyant "I love you" par textes et si tout s'est déroulé dans un calme feutré chez LVMH, l'émeute menace chez Lanvin. RTL rapporte que les 330 salariés de la maison ont réclamé Alber en pleurant et criant. Ils sont même prêts à traîner leur propriétaire au tribunal de commerce pour obtenir le retour de leur directeur artistique. Je me suis dit que c'est chouette, quand même, de voir un responsable soutenu comme ça par ses collaborateurs. C'est le signe d'une estime et d'une compréhension réciproque. 

Moins chouette, même carrément effarant, Le Parisien écrit : "(un) expert souligne que si le créateur avait été «l'acteur de la résurrection d'une maison morte, il avait été dépassé médiatiquement ces derniers temps par d'autres créateurs comme Olivier Rousteing chez Balmain»." 



#OhWait, comme dit l'autre. Mais c'est qui cet expert à la mie de pain ? Il faut vraiment avoir l'esprit gros comme un trou d'aiguille pour mesurer un mec à sa surface médiatique. La qualité d'un styliste se mesure donc à son nombre de followers et de papiers people, s'il ne fête pas son anniv' sous les sunlights, il peut remballer ses ciseaux et ses crayons. A ce compte-là, autant nommer Kim K comme DA. Emmanuel Ungaro a tenté le coup avec Lindsay Lohan et on ne peut pas dire que le résultat ait boosté les ventes de la maison de couture. 

Cher Mr l'Expert, on parle de création artistique et de compétences techniques, pas de télé-réalité. Elbaz est aussi dépassé médiatiquement par Victoria Beckham, et franchement, le premier qui trouverait à la dame plus de talents stylistiques qu'à Alber passerait pour un bouffon. Et tiens, pour info, cher Mr l'Expert, les propriétaires de Chanel ne twittent pas, ne s'instagrament pas, 55,999 millions de Français sont incapables de dire à quoi ils ressemblent. Ils sont pourtant à la tête de la cinquième fortune de notre pays, avec 14 milliards d'euros. Stupéfiant, n'est-il pas ? Chacun à sa manière, sous des angles différents, les départs de Raf et Alber permettent de mesurer l'état de délabrement avancé de la mode, son système économique, sa déconnection de la réalité. Le NY Times résume les départs de Wang, Simons et Elbaz d'une phrase : "Ces trois départs en si peu de temps pourraient indiquer que maintenant plus que jamais, ce sont les chefs d'entreprises qui déterminent la façon dont la mode est créée - et par qui." On atteint l'acmé d'un système né avec Pierre Berger chez Saint-Laurent.

Où que tu sois, quoi que tu fasse, cher Alber, j'espère que tu continueras à offrir ton souffle positif. Si j'ai souvent fait la grimace devant tes mannequins trop maigres, j'ai toujours eu envie de sourire en regardant tes petites robes noires, tes jupes colorées, tes bijoux délirants, tes vitrines drôlissimes, tes campagnes de pub pas coincées, ton petit coeur rouge. Merci de m'avoir fait rêver.


C'est cadeau : Gérard  et Alain Wertheimer, propriétaires de Chanel
PS : en complément, je vous conseille l'article de Tendances de mode sur Alber Elbaz et la possibilité de son arrivée chez Dior. Les commentaires des lecteurs sont particulièrement intéressants et expriment très bien le désarroi des clientes et des amoureux de ces marques devant le ballet des DA.

stelda

10 commentaires:

  1. Salut Stelda!
    Je ne m'intéresse pas spécialement à la haute couture et si tu me demandes de citer cinq stylistes, je serais bien en peine. Mais parmi ceux que je connais il y a Elbaz et la réaction des salariés est vraiment étonnante. Assez pour qu'on se dise que cet homme doit être à part. Ton article est passionnant (comme toujours) et me donne envie de me pencher plus sur le sujet. Bises,
    Maeve

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    1. Horreur, je n'ai pas vu vos commentaires! Merci, Maeve et des bises

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  2. Article bien ecrit et qui donne le ton de notre monde marionnette aux mains des businessmen ! ;) #FashionCityGuru #NeoJackPhotography

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    1. Pardon de mon retard à vous répondre : oui, c'est le fashion circus...

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  3. Le dur loi du monde des actionnaires.Je vais de suite lire l'autre article.
    Je trouve cela super triste.

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    1. Je suis navrée d'avoir raté ton commentaire, Christine. Les actionnaires vont finir par scier la branche sur laquelle ils sont assis ^^

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  4. J'ai une bonne idée de jeu des chaises: Mme Wang quitte/vend Lanvin et Elbaz revient. En voilà une bonne solution.
    Quand je pense à la violence de ce type de licenciement de la part de l'actionnaire et la DG envers M. Elbaz, je suis sidérée.

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  5. J'ai revu ses petites robes noires .... et j'ai presque pleuré :(
    Un grand de ce monde !

    XOXO LOVE
    Noé

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    1. Voui <3 Pardon pour le retard, je ne sais pas pourquoi je n'ai pas vu vos réactions :(

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