La presse à contre courant

"Il n’était pas nécessaire avant-hier d’utiliser la radio pour examiner la radio. Pas nécessaire hier non plus de passer par une caméra pour réfléchir sur la télévision. Aujourd’hui, il est tout à fait possible, et même mieux : tout à fait agréable, de suivre les évolutions des nouvelles technologies sur du bon vieux papier plein d’arbres morts.
Mais pourquoi vouloir suivre le rythme effréné des révolutions numériques en adoptant le train de sénateur de la vénérable presse papier ? Pour s’affranchir d’abord du décompte aussi quotidien que fastidieux des microévolutions successives et laisser aux tendances le temps de se construire avant d’en évaluer l’éventuel sens. Parce qu’ensuite les pages d’un magazine redonnent à nos yeux – bombardés de messages de plus en plus éphémères et rapides – le temps de voir, en large, au calme. Enfin, parce qu’un magazine, ça sent bon (contrairement à votre clavier ; essayez, si vous ne me croyez pas)." 
extrait de la présentation du magazine Humanoïde


"La France fait-elle encore rêver ?" titrait pour son premier numéro Le 1. On pourrait tout aussi bien demander : "La presse fait-elle encore rêver ?" Oui, à lire la profession de foi des fondateurs de Humanoïde, et à voir les lancements de nouveaux titres qui se succèdent depuis 2013 :
  • Chez les féminins : StylistVital (réanimé), Happinez, Green Attitude, Simply Things, Flow, As You Like, Grizette, et Zen.  
  • Côté hommes, Followed, LUI (réanimé lui aussi), ELLE Man. 
  • Pour les seniors, Nouvelle Vie et Pep's Magazine
  • Dans la famille actualité et société, on trouve l'hebdomadaire Le 1, le bimensuel SoCiety, les mensuels NEONVanity Fair et Causeur, le bimestriel Fisheye, le trimestriel Humanoïde (mention spéciale à sa base line géniale : "la technologie est l'opium du peuple"). 
J'en ai sûrement oublié, je vous passe les magazines spécialisés, mais il y a au moins une vingtaine de petits nouveaux en kiosque. Ca fait du monde. Ca explique aussi pourquoi j'ai arrêté les matchs de presse un moment, j'arrivais plus à suivre! Donc, non, le papier n'est pas mort. Tous ces magazines ne survivront peut-être pas, certains ne dépasseront pas les 20 000 lecteurs mais ce n'est pas toujours leur but. Humanoïde, par exemple, analyse l'actualité par le prisme des nouvelles technologies, Fisheye parle de la société via la photo.



Mais les vieux trucs marchent aussi et dans le genre barquette qui rame à contre-courant, Le Démocrate de l'Aisne est un bel exemple : c'est l'un des derniers journaux au monde imprimé au plomb. Il faut une journée pour composer une page, il est diffusé à 9 000 exemplaires, n'a pas de site et une seule journaliste. Mais aussi dingue que cela paraisse, il est bénéficiaire. Son secret est simple : il parle des choses qui intéressent les gens et reste fidèle à lui-même depuis plus de 100 ans. 

Tout comme le Canard Enchaîné qui résiste lui aussi à tout et vend plus de 500 000 exemplaires chaque semaine, toujours sans articles web, sans infographies, sans photos couleur. Juste en vendant du contenu : des infos exclusives, du dessin de presse. Le Canard en a même tellement rien à faire de son site qu'il n'a pas mis à jour la bio de Cabu. Cerise sur le gâteau : le journal appartient aux journalistes.

Le 1 déplié
Parmi ces OVNI, Le 1 est certainement le plus original. Il souffle sa première bougie ce mois-ci. Fondé par l'ancien directeur du Monde, Eric Fottorino, Le 1 est un journal à part.  Il visait 30 000 exemplaires et en un an, le pari est gagné puisque, d'après mes sources, il tourne autour des 50 000. 

Chaque semaine, Le 1 parle d'un sujet d'actualité à travers les regards d'écrivains, de chercheurs, de poètes, de philosophes, d'illustrateurs. Mon mari le trouve affreusement bobo, moi, j'en suis archi-fan. Je trouve tout génial :

  • cette façon de prendre du recul sur l'info brute qu'on lit partout en la filtrant par la pensée et la littérature (parfois par un poème de Victor Hugo ou un texte de Montesquieu qui n'ont pas pris une ride)
  • l'objet, tellement simple et beau que c'est à pleurer : une immense feuille format A1, qui se plie en 2, puis encore en 2, puis encore... jusqu'à atteindre un format A4, 
  • en célébrant le papier, l'art de l'impression et du maquettisme, en rendant ses lettres de noblesse à la typographie, Le 1 met à l'honneur tous les métiers de l'édition et rappelle que les journalistes ne sont que la partie émergée d'un journal,
  • la place offerte aux illustrateurs, avec, au milieu du journal déplié, un dessin ou une infographie qu'on peut accrocher. On a envie de les collectionner, comme des images Panini!
Et bien sûr, zéro pub.

Le prochain que je rêverais de voir en kiosque ? Diantre!!, brvits de castel et rvmevrs de popvlace né  le 1er avril, dans l'imagination féconde et géniale de @jehanlb. Ce twitto revisite l'actu à la sauce vieux françois (mais en 140 signes, s'il vous plaît) et ça vaut son pesant de destrier. Même en interview, le damoiseav garde son parler précievx. Un humour contagieux, partagé de bonne grâce par... le community manager de Nespresso dans un échange via Twitter (à voir dans l'interview).



stelda

10 commentaires:

  1. Sans compter que l'empreinte carbone d'internet et de ses serveurs sur-sollicités laisse pantois (désuet n'est-ce pas !!!). D'un côté on tue les arbres de l'autre on pollue quand-même. Pile je perds, face tu gagnes (vieille aussi cette expression ;)))). Moi aussi j'aime le papier dans tous ses états...

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    1. J'ai renoncé à calculer l'empreinte carbone de ci ou ça, je suis trop nulle en maths! Sans compter que pour certaines choses, c'est tellement complexe qu'au final,, comme tu dis, le remède est parfois pire que le mal. Exemple : les nouvelles ampoules sont finalement plus nocives pour l'environnement que les ampoules à filaments...

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  2. ah ah tu viens de me rappeler qu'ado, je lisais VITAL très régulièrement! (c'est ma mère qui l'achetais).... j'avais totalement oublié ce magazine, tiens!!!

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    1. C'est l'un des rares que je n'ai pas lu. C'était bien ?
      Par contre, je ne pensais pas racheter Flow et une copine m'a montré le nouveau numéro... j'avoue que ça me tente bien. Je vais d'abord finir tous les bouquins en retard (j'ai un mois et 3 semaines devant moi, donc!)

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  3. Merci pour cette "revue de presse" - vous nous rappelez que la presse écrite n'est pas morte, qu'elle a encore son mot à dire !

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    1. Hé oui :). Mais je ne suis pas très objective, avouons-le.

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  4. Ahhh le journal au plomb.... je me souviens des imprimeries du Monde, visités avec mon père dans les années 70, les années de gloire, avant l'offset, avant l'ordi. Les compositeurs typographes, ces "seigneurs" ouvriers de l'imprimerie, capable de créer sans erreur, avec une orthographe parfaite, sans correcteur orthographique, eux !! Combien de journalistes ont ce même niveau désormais, très peu ! La presse papier je la soutiens, mais bon, je me lasse des nouveaux titres, particulièrement les magazines (ceux que tu as cités dernièrement m'ont laissé au mieux indiéfférentes, au pire incrédules face à ces ... trucs sans intérêt, surtout les féminins - oui AUCUN n'ont trouvés grâce à mes yeux, d'ailleurs je n'en lis plus). Enrevanche, je reste fidèle au Monde, malgré tous ses défauts, à la Croix et à Ouest France, oui oui.

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    1. Ca m'a fait un coup au coeur quand j'ai appris que Le Monde fermait son imprimerie. C'est triste... C'est vrai que les typo avaient une orthographe incroyable. Pour celle des journalistes, tu ne crois pas si bien dire : je suis tombée de ma chaise en voyant les fautes que faisait une grande reporter célèbre. Pire que moi!! On peut donc rendre aussi hommage aux correcteurs ;)
      Je ne suis pas du tout fan du Monde. Je lis régulièrement La Croix, par contre.

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  5. oups indifférentes, erreur de frappe !

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    1. :) Au fait, tu n'as plus de soucis pour laisser de commentaires sur le blog ?

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