Un baillement

C'est le titre de l'article sur la collection Dior. Pas cette année, bien sûr. En 1980. C'était un temps où les couturiers tremblaient encore de se faire dézinguer par les journalistes de mode. 

Hebe Dorsey, à droite (1925 - 1987)
"Si vous critiquez, ça peut avoir des conséquences sur leurs licences ?" demande une journaliste à Hebe Dorsey.
- Oui mais ça ce n'est pas mon problème, répond tranquillement la critique de l'International Herald Tribune. C'est leur problème. Si les gens ont du talent, ils en ont et puis c'est tout."

Bim, mange ça et retourne à tes bobines. C'était aussi un temps où les mannequins faisaient voltiger leurs robes sur les podiums mais les maisons misaient déjà beaucoup sur la valeur de leurs à-côtés, via les fameuses licences. Voici un défilé en 1980.


Ceci dit, Dior s'est vengé en interdisant la grande Hebe de défilé la saison d'après. Elle a rétorqué en les remerciant, dans un article plein de malice, de lui offrir quelques heures de temps libre. "J'ai pu faire aller chez le coiffeur, faire du shopping, plein de choses que je n'ai jamais le temps de faire.

Les couturiers retombent dans l'oubli et les journalistes aussi. Restent la classe et l'humour.

Extraits de la notice nécrologique de Hebe Dorsey, parue dans le NY Times le 29 décembre 1987 
Hebe Dorsey, l'éditeur de mode de l'International Herald Tribune et figure majeure dans le monde de la mode, est décédé d'un cancer hier matin à l'Hôpital américain de Neuilly-sur-Seine, près de Paris. Elle avait 62 ans et travaillait pour le journal depuis environ 40 ans. Connue pour son irrévérence et sa fascination de la haute société, Mme Dorsey a souvent associés mode et reportage social et était en fait elle-même un membre de cette élite sociale internationale.   
Commentatrice d'esprit et un peu acerbe, Mme Dorsey était une force dans les milieux de la mode à New York et Tokyo comme à Paris. Hebe (prononcez ay-bay) Dorsey, l'un des cinq enfants de Marie et Clément Halfon, est née le 5 Mars 1925 à Sousse, en Tunisie. Après le lycée français, elle a continué à étudier l'anglais et le français à la Sorbonne. Elle est devenue un contributeur The Herald Tribune, alors édition européenne du New York Herald Tribune. 
'' Elle a eu le courage de dénoncer de façon critique. Elle aimait les aspects sociaux de la mode et elle a connecté les deux mondes. " - Bill Blass.
 '' Sa clarté, son sens aigu de l'analyse et son style me manqueront. Elle  nous a aidé à nous lancer. Je pense à elle comme la fille de Tunis qui a été si impliqué avec sa famille, pas comme un dragon d'éditeur tellement intimidant lors des défilés de mode. '' - Christian Lacroix.
'' Hebe a révolutionné l'écriture de la mode. Elle a inventé l'idée de revoir la mode comme un jeu et elle l'a toujours fait avec un rasoir, pas un couteau. '' - John Fairchild, président de Fairchild Publications.  
'' Fidèle, féroce, énormément généreuse et follement drôle. Elle pouvait être très divertissante en deux langues, passant du français à l'anglais sans perdre une once d'esprit. '' - John Vinocur, rédacteur en chef de The Herald Tribune.

'' Elle a aidé à montrer la mode au public" - Arthur Ochs Sulzberger, éditeur de The New York Times et co-président de The Herald Tribune. 
'' Je l'ai rencontrée il ya 30 ans quand elle était une jeune rédactrice de mode et je ai été un écrivain de la mode sur le "Today" show. Elle ne se est jamais pris trop au sérieux, si elle savait la mode était une affaire sérieuse. '' - Barbara Walters. 

Dédicace et pensée spéciale à Isabelle, qui a peut-être connu Hebe dans une ancienne vie

stelda

5 commentaires:

  1. J'adore les histoires que tu racontes. A la fois c'est familier comme une fashion week d'aujourd'hui et en même temps ça a l'air très lointain avec le vieil ordinateur et la façon de parler des gens.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est très drôle. Ils étaient quand même drôlement modernes, chez l'Herald Tribune, parce que je ne sais pas si beaucoup de gens avaient un ordinateur en 1980.

      Supprimer
  2. Evidemment, je ne connaissais pas, et j'aime tellement apprendre encore ! Merci !

    RépondreSupprimer

Des difficultés pour laisser un commentaire ? Passez sous Safari ou Firefox