Plongée dans les relations presse

Voilà une chose dont on ne parle jamais dans les magazines : les relations presse. Elles sont un peu l'arrière-cuisine.




Les attachées de presse méritent bien un petit article. Et même, un long. Elles, car le métier est largement féminin ; elles sont souvent courageuses et pas toujours considérées. En fait, je me dis parfois qu'elles font un métier de chien.
Dossier de presse Givenchy
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L'attachée de presse, donc, est chargée de présenter une marque ou un produit aux journalistes. Elle est notre meilleure amie : c'est elle qui rédige les communiqués de presse, poste les produits à tester, organise les journées presse au cours desquelles les marques présentent toutes leurs nouveautés. Elle est aussi chargée d'envoyer les visuels et les fiches produits pour la création des pages shopping, d'expédier les pièces à photographier pour les éditoriaux mode et beauté. Et mille autres choses, selon la taille de l'agence ou de la marque pour laquelle elle travaille.

Nous ne parlerons pas ici des attachées de presse de Fringuespourries.fr, qui doivent se la raconter grave en se faisant les ongles ("tu vois, hon, je bosse dans la coooom'', heinnnn!) et que toi, pauvre petite pigiste de province, tu dois supplier en pleurant de t'envoyer une misérable photo de robe pour te permettre de boucler ta page shopping, alors que celle de ShoesHorsdePrix.com t'en a envoyé des tombereaux avec le sourire comme si tu étais Emmanuelle Alt.

Non, nous parlerons de celles qui sont sympa, rigolotes, ne te font pas regretter d'avoir sacrifié un billet de train pour répondre à leur invitation. De celles qui répondent gentiment à tes demandes parfois maladroites. Ou culottées ("Chère AttachéeDePresse d'Elie Saab, j'aimerai vraiment une place en backstage pour votre défilé de demain" : oui, oui, j'ai tenté!).

Je me demande souvent ce qui les pousse à choisir ce métier infernal. Peut-être, à 18 ans, un conseiller d'orientation leur a dit : "Vous avez le sens de la relation, optez donc pour les relations presse." Les malheureuses se sont donc inscrites, le nez au vent, à un BTS en communication. Les plus persévérantes ont obtenu un Master ou poursuivi un cycle dans une grande école de communication : le CELSA, Sciences Po ou l'Ircom.

Elles étaient bien loin d'imaginer qu'elles seraient continuellement écrasées entre le marteau le client et l'enclume les journalistes, corvéables à merci, travaillant du 1er janvier au 31 décembre, soirée du réveillon incluse lorsque le client a la bonne idée d'organiser ce soir-là un event. Un jour, j'ai écrit à Lush et leur attachée m'a répondu par retour de mail. Dix jours avant Noël, un samedi, à 21h45. Ca m'a scotchée. Et un peu effrayée. J'ai failli lui répondre : "Pensez à vous, et débranchez votre smartphone" (non, ne me demandez pas ce que je faisais, moi, devant mes pages shopping à cette heure-là).

L'attachée de presse est toujours souriante et aimable. Même quand son mec vient de la larguer la veille d'une présentation presse, y compris si tu es une journaliste de niveau Z (celle de province, qui "sent le pâté" copyright à Isabelle, d'Accro de la mode), elle te reçoit comme si tu étais sa meilleure amie. On n'est pas dupe. On sait bien que si elles nous chouchoutent, c'est pour qu'on leur offre le plus de parution possible (certains clients font mesurer la surface de parutions dans chaque magazine, avec une petite règle). Mais on n'appâte pas les mouches avec du vinaigre.

Elle materne plus encore son client, qui croit qu'une parution tombe du ciel. C'est à elle que revient la délicate mission kamikaze de lui expliquer pourquoi aucun journaliste ni aucun blogueur ne veut lui octroyer des articles de 10 000 signes sur sa nouvelle collection en polyester made in China qui semble échappée d'un entrepôt de Barbès.
A elle les sueurs froides quand toutes les journalistes de premier plan (ELLE, Marie-Claire, Fémina ou Vogue) se défilent du déjeuner de presse organisé à La Tour d'Argent. La voilà contrainte de racler les fonds de tiroir pour compléter son plan de table (et d'appeler la pigiste en charge des pages mode du Courrier de l'Ouest ou de DijonFemmeAttitude, en priant pour qu'elle ne déboule pas attifée en Eurodif face au directeur artistique de Make Up For Ever). A elle encore d'expliquer au client hystérique et formaté par une école de commerce qu'une blogueuse n'est pas une journaliste, que les relations presse sont aussi des relations humaines et que l'abattage n'est pas forcément payant. Je vous passe les relances téléphoniques qui sont un supplice pour les deux parties.

Face à certaines journalistes aussi, le métier est risqué : on peut même se prendre un bourre-pif. Sans aller jusqu'à de telles extrémités, nous, les scribouillardes, on ne leur rend pas la vie facile. On a la manie de les appeler à la dernière minute, justement parce qu'on sait qu'elles dorment avec leur base de données de visuels. On a des questions gênantes : "C'est quoi, la compo du sérum ?" Des retours plus gênants encore : "La BB crème sentait le moisi." Et des observations désagréables : "On dirait la collection Marc Jacobs de 2007". Et on oublie régulièrement de répondre aux invitations. Je les imagine en train de s'arracher les cheveux la veille du défilé / de la soirée : "Je dis quoi au traiteur ??? Qu'il y aura 15 personnes ou 870 ??"

J'admire leur self-control quand, pendant une journée presse, une journaliste leur assène : "Donnez-moi deux sacs de produits, parce que ma collègue n'a pas pu venir à la présentation." Et la marmotte... bref. Ou quand d'autres dévalisent le buffet en papotant entre elles, avant de se sauver (avec les produits et/ou les cadeaux) sans avoir posé une seule question aux représentants des marques présentes.


Si les relations entre attachées de presse et journalistes ne sont pas toujours simples, elles mènent à tout. Même à écrire un polar, comme l'ont fait Evelyne Vermorel (ex-rédac' chef de Madame Figaro) et Didier Fourmy (attaché de presse). 
On y voit les journalistes beauté les plus en vue se faire dézinguer par un tueur mystérieux. L'une est empoisonnée par un mascara, une autre par une crème solaire ou par un échantillon de parfum.  Beauté d'enfer révèle les coulisses des relations presse. Tout y passe, de l'escalade dans l'organisation d'évènements époustouflants pour séduire les journalistes blasées à la lassitude des dites journalistes qui avouent "tester les crèmes pour le visage sur leur derrière, au cas où le produit leur donnerait des boutons". Caustique et passionnant.

Chers attachés de presse, pardon de vous faire parfois tourner chèvre. 
Et merci pour votre gentillesse et votre aide.

A voir : le tumblr d'une attachée de presse
A lire : les RP vécues par la journaliste Anne Thoumieux ou ici.

Beauté d'enfer, d'Evelyne Vermorel et Didier Fourmy

stelda

34 commentaires:

  1. Bon, fatalement, je me dois de réagir en tant qu'Attaché de Presse ! En commençant par dire que oui, je suis bien d'accord, notre métier est encore bien trop féminin, la parité n'est pas encore de mise par chez nous (en tout cas en ce qui me concerne sur l'industrie de la beauté).

    Vu de l'extérieur, je comprends parfaitement ce ressenti mais étonnamment... vécu de l'intérieur, ce métier est juste du pur plaisir !! Bien sûr il y a la pression et le stress mais si tu as des nerfs à toute épreuve et une patience infaillible, alors il ne reste que les bons côtés à commencer par toutes les rencontres passionnantes que ce job offre. C'est aussi un métier en mouvement perpétuel, cela fait 10 ans que je fais des RP et je crois sans mentir que je n'ai jamais eu deux journées identiques ! Et puis, les médias étant en crise, nous ne sommes plus vraiment dans l'ère des divas (même s'il en reste quand même quelques unes, je le concède bien volontiers mais non, je ne donnerais pas de nom!). C'est aussi un métier qui se professionnalise dans le bon sens du terme, on n'est plus dans les RP des années 80 où l'on avait une blonde plantureuse qui faisait les relations presse en faisant des "ma chérrrrrie" dignes de Cristina Cordula et avec une coupe de champ à la main dans les soirées mondaines pour s'occuper pendant que son mari riche travaillait. C'est d'un côté plus de pression car les Clients ont des attentes concrètes sur notre taf mais au moins, on sait qu'on fait partie intégrante du dispositif de communication globale. Je pense en tout cas que c'est un métier qu'on doit faire par passion car effectivement, s'il n'y a pas cette petite flamme, on doit effectivement en retenir uniquement les côtés moins "sympas" (le rythme effréné car l'information ne s'arrête jamais, la pression du Client même si c'est aussi à nous de les "éduquer" en leur faisant comprendre que chaque parution décrochée est à apprécier à sa juste valeur...). Désolé de ce commentaire un peu décousu, j'écris au fil de la plume (ou du clavier) ! Billet rigolo en tout cas, comme d'habitude !

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    1. Cher Teddy, zuuuut! J'espérais des noms :D
      Merci de mettre un peu de mixité sur ce blog... et dans les relations presse! Didier Fourmy a, je crois, été le premier à faire ce métier dans le secteur de la beauté. Oui, il y a bien des côtés sympa : les liens créés, les rencontre, la fierté de répondre à des défis nouveaux, des activités variés qui exigent de la créativité, du bon sens, de la réflexion et de la rigueur. Mais vu de l'extérieur, je vous admire vraiment :)
      PS : Je suis bien contente de n'avoir pas connu les RP des années 80.

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  2. Un article intéressant, instructif pour les non initiés !

    Estelle

    lamodeestunjeu.fr

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  3. Nous avons appris beaucoup de choses ce soir, merci !

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  4. Une pensée aussi pour les "community manager", eux aussi sont un peu corvéables à merci et, en plus, se coltinent les consommateurs directement (pire que les journalistes je pense).

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    1. Aaaah, les CM! C'est LE métier qui te mène droit au burn out.

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  5. J'adore cet article. Si réaliste...

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    1. Merci :) Ce n'est qu'un point de vue extérieur et parcellaire. Mais j'avais envie de rendre hommage à leur travail.

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  6. J'ai longtemps pensé que c'est un beau métier mais c'est vrai que ce n'est pas toujours vrai !!

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    1. C'est un beau métier (Teddy en témoigne dans le 1er commentaire) mais ardu. Contrairement à ce que certains imaginent, ça ne s'improvise pas.

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  7. "Un jour, j'ai écrit à Lush et leur attachée m'a répondu par retour de mail. Dix jours avant Noël, un samedi, à 21h45."
    je te "rassure", elles ne sont pas les seuls concernées! loin de là....(hélas? mais souvent, même pas le choix...)

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    1. Mais où sont nos 35 h ????! Martine, revient!!!

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  8. C'est vrai que de toute ma (encore jeune) carrière, je n'ai encore rencontré que des attachEES de presse.

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    1. Il y a plus d'hommes dans d'autres secteurs que la mode et la beauté, je pense, mais ça reste féminin à 89% (calcul au pif, hein)

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    2. PS : j'ai quand même rencontré 5 ou 6 hommes en mode et cosméto :)

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  9. Le grand retour de Stelda ! J'adore ! Allez hop, un livre à inscrire sur ma liste (interminale) de lectures pour l'été !
    Et bravo à Planète beauté, en commentaire, qui aime son métier ! J'espère que les attachées de presse passionnées sont nombreuses !

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    1. C'est un livre parfait pour l'été : léger mais pas stupide ;-). Oui, les attachés de presse heureux et passionnés sont nombreux!

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  10. "Beauté d'enfer" ? Tu m'intéresses...
    J'aime beaucoup l'idée de rire (jaune ?) en voyant les coulisses romancées du grand monde des attaché(e)s de presse.
    Un article très bien écrit, je l'ai lu avec plaisir.
    Belle soirée !

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  11. Super intéressant cet article, je vois le métier d'une autre façon et tu as une plume très agréable ! Merci :)

    Mathilda
    www.topknotandteacups.com

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    1. Merci de ta visite et de ce gentil commentaire, Mathilda. A bientôt ;-)

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  12. Ton article est très amusant et bien écrit ! mais bon, je pense qu'il y a pire comme métier ( ce n'est vraiment pas le seul où on t'appelle à pas d'heure pour du boulot ou que tu dois écourter tes vacances pour une mission imprévue ou pour résoudre un problème avec un client ! ) Beaucoup de pression certes pour les attachées de presse mais aussi pas mal de cadeaux et de bons moments !

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    1. Oui, bien sûr qu'il y a pire. Le métier de community manager, par exemple... ou de chargée d'assistance :D. Mais c'est tout de même un métier où la pression s'est accentuée, je pense.

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  13. Ha ha ! J'adore décidément les tweets de Loïc Prigent ! Je ne suis pas inscrite sur Tweeter, donc je l'ai mis dans mes favoris et une fois par semaine, je lis l'historique, et ça décape :-) Je me souviens encore de celui qui disait "Elle va déjeuner au Flore, ça lui donne l'impression de lire"...
    Merci pour ce post très bien vu, et pour l'idée de lecture pour cet été, avec le bouquin de Cécile Sépulchre quand il sortira en poche.

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    1. Les tweets de Loïc Prigent sont de petits bijoux. J'encadrerai chacun si je pouvais!
      Bonne lecture, Gaëlle :)

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  14. Merci pour ce billet d'un réalisme épatant !
    Attachée de presse mode & beauté
    www.beautypush.com

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  15. Je n'imaginais pas trop ça come ça, mais il est vrai que je ne suis pas du "milieu". C'est un enfer parfois à ce que je vois, le meilleur de l'être humain !!

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  16. Bah moi ça m'aurait bien dit ce métier (maso moi?)! Comme le dit le 1er com', ça a l'air d'être un métier à 100 à l'heure et les journées toujours différentes. Après je garde peut-être, malgré tout ses défauts, une idée "glamour" du métier. En tout cas, encore un super article que j'ai dévoré!

    xx

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  17. Bien vu et plein d'humour ce regard sur le difficile métier d'attachée de presse. Et merci pour le roman, que je vais également rajouter à ma wish list.

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