Lanvin : 125 ans de féminité

Dans le paysage de la couture française, Lanvin est une maison à part. Elle est née et vit sous le signe de la discrétion. Après la mort de Jeanne Lanvin en 1946, les grands noms se succèdent au stylisme : d'abord sa fille Marie-Blanche,  puis Claude Montana et aujourd'hui Alber Elbaz.

Jeanne Lanvin (1860-1946)

Adhérente depuis 1909 à la Chambre syndicale de la couture, Lanvin est la plus ancienne maison  encore en activité. Elle est aussi l'une des rares qui n'appartient pas à un groupe industriel géant. Ceci explique sans doute cela, à savoir son esprit indépendant, sa légèreté. Chez Lanvin, on sent encore un côté "petite maison", familial. 

Comme beaucoup de maison, Lanvin est née d'une histoire d'amour mais ici, pas d'amants terribles, pas de femmes fatales ni d'hommes légers. C'est pour sa fille Marie-Blanche que la modiste Jeanne Lanvin passe au vêtement. Inspirée par sa petite fille, elle lui crée des toilettes qui font l'admiration des mères qui les côtoient. Toutes veulent, elles aussi, du Lanvin pour leurs filles. Marie-Blanche est la muse et l'âme de Lanvin. Au fur et à mesure qu'elle grandit, Jeanne créé des tenues pour jeunes filles puis pour jeunes femmes.


Cette histoire d'amour est immortalisée par Paul Iribe dans le logo de la maison en 1923 : il représente Jeanne et sa fille se tenant par la main. Cette douceur et cette mise en avant de toutes les facettes de la féminité (femme, mère, coquette, travailleuse) se retrouvent dans les collections actuelles. Pas de provocation gratuite, pas de sexy à outrance, la robe reste la pièce sacrée de la maison. Des fleurs, des papillons, des noeuds, du tulle, de la soie (sous toutes ses formes), du gros-grain, des couleurs qui claquent : Alber Elbaz a imposé un vrai style Lanvin. Je viens de réaliser que si j'étais riche, je m'habillerais sans doute en Lanvin (avec une touche de Hermès, un peu de Paule Ka selon les années, une veste Chanel et quelques bricoles piochées à droite et à gauche).

modèle Lanvin, hiver 2013-2014
Quand on demande à Elbaz pourquoi il ne fait pas plus de transparent, de décolleté ou de coupes provocantes, il répond : "C'est ma façon de respecter les femmes. Peut-être est-ce aussi mon métier de les habiller et non de les déshabiller!" 

Après l'enfant et la femme, Lanvin passe aux robes de mariée (à partir de 1911), à la décoration d'intérieure, à la fourrure, aux tenues de sport, à la lingerie, aux vêtements pour hommes... et aux tenues d'académicien grâce à Edmond Rostand qui lui réclame la sienne. On pourrait croire que Jeanne était une girouette sans style. Pas du tout. Chacune de ces évolutions suit celles de son époque. Elle est "dans le vent" sans être une feuille morte. Le concept de global brand est né malgré lui, sous l'impulsion d'une femme d'origine modeste mais perfectionniste et sensible.

En 1926, elle est la première maison à habiller l'homme et la femme. Avec Arpège, elle célèbre les 30 ans de sa fille chérie. Quand Jeanne décède en 1946, Marie-Blanche prend les rênes de la maison. Elle quitte la famille en 1989, les vicissitudes financières la pousse dans les bras de différents groupes (dont L'Oréal) jusqu'à ceux d'une milliardaire chinoise, Shaw-Lang Wang, en 2001. Alber Elbaz est à la tête de la création pour femme depuis 2002. Bien que la maison ne fasse plus de couture, son prêt-à-porter a su rester assez soigné et sa distribution discrète pour garder des accents élitistes. Alber Elbaz ne croit pas aux "it-trucs": on ne peut que l'en féliciter. Et cela ne l'a pas empêché de quadrupler le chiffre d'affaire de la maison Lanvin.  Une recette (payante) qui ressemble à celle d'hHermès : rester fidèle à l'esprit des fondateurs et miser sur le long terme. Et comme celles d'Hermès, les vitrines de Lanvin sont réputées pour leur fantaisie. 

Je ne ferai qu'un reproche à Elbaz : le choix de ses mannequins hommes. Squelettiques, hâves, la pomme d'Adam prête à crever leur noeud de cravate, ils font peine à voir. Et me dissuadent d'acheter une veste Lanvin à mon mari.





Si je n'ai pas aimé les tissus métallisés de cet été qui transformaient les mannequins en bonbon, je suis complètement fan de la collection de l'hiver prochain :


sources photos : Lanvin.com

stelda

13 commentaires:

  1. Merci pour cet article très intéressant :)

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    1. Merci pour ton gentil commentaire, Carlota. J'aime bien cette maison et son origine est vraiment touchante.

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  2. Passionnant comme d'hab' !! Merci beaucoup :-)
    Sinon pour les collections homme, Alber ne choisit peut-être pas les mannequins dans la mesure où c'est Lucas Ossendrijver qui dessine les collections ? Oui, bon, j'ai du mal à le croire aussi vu que c'est lui le patron du style...

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    1. Merci Gaëlle! J'ai l'impression que c'est bien Alber qui supervise les défilés mais je me trompe peut-être ?

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  3. L'information Armani chez Lanvin ne me parait pas correcte.

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    1. En effet : merci de m'avoir signalé la coquille :).

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  4. C'est passionnant et je ne connaissais pas l'histoire.

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    1. Elle est si jolie!! Elle me fait penser à celle de mon amie illustratrice La Ptite Madeleine ;-)

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  5. Merci pour le défilé et l'article qui est très intéressant mais aussi je voulais ajouter une petite chose à propos des tenues je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous avez dit : "C'est ma façon de respecter les femmes. Peut-être est-ce aussi mon métier de les habiller et non de les déshabiller!" on peut s'habiller bien sans exposer sa forme ou son corps mais la plupart des femmes croient que si elles ne portent pas de dos nus ou bustier ou encore des tenues trop sexy elles ne sont pas belles, certes dès fois on peut s'habiller sexy mais pas toujours.

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    1. J'ai adoré cette collection, il fallait absolument que je la partage.
      On peut être chic en léopard ou très sexy en jean, tout est une question d'attitude, je crois. Mais il faut savoir accepter sa propre féminité, pas celle "légendée".

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  6. Je ne connaissais pas du tout Jeanne Lanvin. Merci pour cette histoire si bien racontée.

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    1. Je suis contente d'avoir pu te la faire rencontrer.

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