La fashion week comme Anna ne l'a jamais vue


Alors, ces deux jours ? Entre une enquête pleine de rebondissement avec ma copine Cécilia, des retrouvailles sur une banquette de taxis avec Eudoxie, une orgie de sushis chez ma soeur et 18 km d'escaliers de métro montés et descendus, ces 48 heures ont été riches en rebondissements. A 11 h, j'étais dans le Marais, à 13 h, place Vendôme, à 14h, en bordure du périph', à 16h, rue Cambon et à 17h, à la Goutte d'or. Un grand écart magistral et je ne regrette pas d'avoir opté pour un slim kaki + des bottines plates : avec mes 18 km de métro, mes genoux se seraient déboîtés.
Je crois que Paris m'aime bien : j'y fais toujours de chouettes rencontres. Ou peut-être y suis-je plus attentive ? Ce qui est certain, c'est qu'Anna Wintour est assise au premier rang mais ne vit pas le quart de ce que je vis et ça, je ne l'échangerais pour rien au monde.

Parfois, c'est mieux quand on est tout petit, parce qu'on voit des choses auxquelles les autres ne font pas attention. J'ai rencontré le plus gentil chauffeur de taxi de Paris, un grand noir au crâne lisse, avec un visage rond comme un soleil et un rire tonitruant. Il a mis France Infos juste pour me faire plaisir. Quand il m'a déposé et m'a vu dépasser l'adresse que je lui avais indiquée, il a donné de grands coups de klaxons pour m'indiquer que ce n'était pas la direction. Je sais bien, Monsieur, je cherche un bar-tabac, parce que vous avez tellement bien roulé que je suis en avance de 45 mn. Mais lui ne le savait pas et j'ai trouvé ça drôlement sympa.

Et dans le bistrot, j'ai vu un homme, avec un chapeau. Un grand homme, avec un vieux chapeau de cow-boy culotté qui tranchait avec sa tenue de peintre. Je lui ai demandé si je pouvais le prendre en photos, il a dit oui. Ca m'est venu comme une évidence : pourquoi on ne photographierait que les fashionistas pendant la fashion week ? Alors que la ville est pleine de personnes intéressantes... Mais Gilbert n'est pas peintre : il est dans la viande et travaille à Rungis. Il a posé en me regardant bien droit dans les yeux, c'était sérieux. Il ne se foutait pas de moi et je ne me foutais pas de lui non plus.

Gilbert

Dans le bus, une femme s'est assise en face de moi comme un ouragan et m'a regardé en riant. A Paris! Je vous jure que je n'avais pas fumé ni bu quoi que ce soit (il était 15h09, il aurait été un peu tôt). Elle aussi, je l'aurait bien photographiée. Elle aussi avait un visage comme un soleil, et surtout, une écharpe bleu canard et or et une manucure assortie, dont je lui ai fait compliment. C'est vrai, qui pousse le détail jusqu'à assortir son foulard à sa manucure bicolore ? Personne que je connaisse. Elle était ravie. On a papoté. C'était un vrai moment humain, une rencontre fortuite mais entre deux personnes.

En attendant un défilé terriblement en retard, j'ai aussi tapé la discute avec mon voisin de cohue, un correspondant américain d'une agence de presse. Il m'a dit avoir adoré Dior et détesté Schiap'. Ah oui ? Il a développé : "Raf, il s'est affirmé. Le Dior, ce n'est pas son truc. Il n'est pas à l'aise avec la silhouette girly. Cette année, il a trouvé sa voie." C'est vrai, cette année, ça s'est Raffisé et c'est mieux. Sans doute importable mais beau à regarder et c'est déjà ça.

Il a aimé Chanel, moi aussi : on est tombé d'accord sur le fait que Karl avait réussi son coup cette année (les baskets de milliardaires faites par un grand bottier ne passeront par moi, mais c'est un détail). Les petites robes, avec leur mélange de coupe victorienne, années 40 et Courrèges sont géniales, les matières aussi. "Oui, c'est bien quand il est moderne, j'adore quand il rajeunit les camélias, le blanc et tout ça," opine le critique. "Ben c'est Karl, ça lui correspond, sa ligne personnelle est ultra moderne et c'est bien quand il en transpose un zeste chez Chanel". Le malheureux américain a poussé des cris d'horreur  : "ah non, sa marque ? C'est immonde! Ce n'est pas de la couture, c'est..." Les mots lui manquaient. Oui, c'est des fringues de cyborg, c'est taré, mais... c'est lui. Ca lui ressemble. Le critique m'a regardé comme si j'étais folle. Faut dire qu'il s'y connait plus que moi (quand j'ai vu chez qui il bossait, je me suis fait toute petite, je me suis même imprimée dans le bitume).

J'ai avalé un croque-madame avec la jolie Mechtilde, à qui les serveurs parlent en anglais, parce qu'ils pensent qu'elle est Russe alors qu'elle est Française. D'ailleurs, dans la rue, une dame nous a demandé sa route en anglais, avant de réaliser qu'elle était face à 2 frenchies, en fourrure certes, mais pur jus. D'ailleurs, elle aussi portait une grosse fourrure (une vraie), de grosses lunettes noires et j'ai cru qu'elle était Italienne. On fait parfois de ces raccourcis...

Bon à savoir : le plat a vraiment la cote et le fashion circus du street style s'est bien assagi. Ou je n'étais pas au bon endroit, allez savoir... Mais je n'ai vu, cette fois, presque que des tenues portables. Et ceux qui tentaient des excentricités comme les chaussettes dans les slippers semblaient vraiment incongrus (avant, c'était celle qui était en jean qu'on dévisageait). Comme dit Eudoxie, les photographes étaient plus lookés que les modèles.

Mechtilde
Moment d'héroïsme : j'ai sacrifié un défilé par peur d'être en retard à un entretien pour un stage. Quand j'ai vu le défilé en vidéo, mon coeur a saigné mais j'ai eu le stage, ouf! Ce sacrifice surhumain a payé. Quand je pense que le boss m'a demandé si je m'intéressais à autre chose que la mode! "Mais si tu lui dis que tu as un défilé, il comprendra ?" me dit Eudoxie. "Heu, non, je ne crois pas. Un entretien en tête à tête avec Poutine, oui. Un défilé, non." Parce que le boss en question, c'est Daniel Schneidermann. Avec du recul, je me dit que j'aurais dû expliquer que je pistais Poutine qui assistait avec sa maîtresse à un défilé mais j'ai manqué de présence d'esprit. C'aurait pourtant été très crédible : la dite maîtresse a 30 ans et je l'imagine très bien traînant au 1er rang des défilés Dior.

Le vendredi, c'était terminé, les décors démontés, les photographes au lit, les correspondants danois et américains aussi (jusqu'à mardi, m'a juré l'américain) mais les rencontres incongrues ont continué. Pour notre enquête, Cécilia et moi cherchions un supermarché bio ; à la place, on est tombé sur un artiste américain qui nous a offert du chocolat sur lequel il peint. On a donc croqué un bout de tableau. Pas sûr qu'Anna ait cette chance...

D'ailleurs, rue de la Goutte d'Or, on trouve aussi du Saab. Il s'appelle André, pas Elie mais c'est la preuve que la mode est reine partout à Paris. J'ai fait une photo pour me souvenir de l'adresse et y retourner la prochaine fois. Là, on n'avait pas le temps : on était occupé à manger notre chocolat coté et signé.

PS. Et pour ce qui est des collections en elles-même, j'ai mis sur la page facebook des modèles qui m'ont tapé dans l'oeil, faute de mieux, au cas où je n'aurais pas le temps de développer plus. Un petit commentaire quand même : heureusement que je n'ai pas les moyens de m'habiller en haute couture, 60 % des modèles de cette année sont blancs, blanc polaire, blanc vanille... Avec 3 lutins, c'est un coup à se marier avec le patron de son pressing.



Dédicace à Laurence et Khalida : 
pour Arrêt sur images et Chanel, hip, hip, hip, hourra!


Photos : Stelda

stelda

35 commentaires:

  1. J'adoooore ta vision de la fashion week! :)
    Quel dommage ne nous ne nous soyons pas croisées...
    Quand j'ai pris un café avec Mechtilde et Eudoxie, en sortant, elles ont été arrêtées par une bande d'adolescentes, qui ont demandé si elle était mannequin et d'où elle venait. Elles ont mis 10 min a accepter de croire que si si, la jolie princesses slave est bien française! ;)
    Quand à moi, on m'a demandé si mon manteau Promod venait de chez Topshop.
    Conclusion?
    Viens faire la fashion week de Londres la prochaine fois! :)

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    1. Hélas, oui, les journées sont trop courtes! J'espère avoir un jour la possibilité d'aller à celle de Londres, ce doit être bien différent ;-).
      Mechtilde est impressionnante!

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  2. J'ai dévoré l'article collègue ! Quelle vie trépidante ! See you next week!
    Clem'

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  3. Je rejoins les com précedents, j'adore, ton style est fluide, et ton récit est energique et exprime plein d'humanité, de poésie, et d'envie de beauté, la mode ce n'est que ça, une envie de beauté. Mais sinon j'ai lu que "Karl avait réussi son coup cette anée" Ok je prépare l'artillerie pour lundi :) Keep it up with Stelda!

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    1. Ahah, j'étais sûre que tu allais bondir de ta chaise. Tous aux abris, Karl va en prendre pour son grade ;-). Hâte de te lire!

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  4. J'aime beaucoup lire tes aventures. Félicitations pour le stage.

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    1. Merci ;-) Je n'ai pas regretté mes journées. J'ai juste regretté de n'avoir que 2 jours...

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  6. Et elle est bien plus passionnante que celle d'Anna W. !! :)

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    1. Plus passionnante, je ne sais pas mais moins vue, je pense. En tout cas, c'était chouette.

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  7. Qu'est-ce que j'aime suivre la Fashion Week à travers ton regard ! Et félicitations pour ton stage ;)

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    1. Merci Manal. Je suis si contente de ce stage, tu ne peux pas savoir. Ce sera sûrement très exigeant mais je suis sûre de beaucoup apprendre (comme me relire pour éviter les coquilles, par exemple, argggh!).

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  8. Un chouette résumé de fashion week!

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    1. Merci, Marion. C'est parce que c'était une chouette fashion week ;-)

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  9. Super article, j'adore, on a l'impression de vivre le truc en même temps que toi! Et félicitations pour le stage, la classe franchement!! :)

    xx

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    1. Roooh, merci Woody : je voulais vraiment transmettre tous ces bons moments.

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  10. Félicitations pour le stage et merci pour ton récit rebondissant. J'aime les rencontres que tu as faites qui montrent que les parisiens peuvent être aimables eg souriants.

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    1. Oui, il y a plein de Parisiens sympa et drôle. Heureusement, sinon Paris serait un enfer!

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  11. Quelle fraicheur ! J'aime toujours autant ta plume. Je regrette tellement que nous ne nous soyons pas croisées ! Le boulot aura ma peau. Tu as l'air d'avoir passé une chouette excursion parisienne en tout cas :)

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    1. On remet ça à la prochaine fois ;-). Et je couperai Internet sur Paris, tiens : tu seras obligée de débrancher, héhéhé!

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  12. J'adore ta façon de nous raconter ta fashion week, imprèssionnant le monsieur sous le chapeau
    Vous avec du vous régaler les filles
    Gros bisous

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    1. Oui, Gilbert a une sacrée personnalité. Je crois qu'il m'a porté chance. Je regrette tellement de n'avoir pas aussi photographié la dame ravissante dans le bus... Gros bisous, Sylvie

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  13. Joli récit, qui prouve que oui, si tu t'intéresses à la mode tu t'intéresses aussi à autre chose : aux hommes et aux femmes que tu rencontres. Merci de nous avoir fait partager tout ça (et bravo pour le stage !)

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    1. Merci Albane <3. La mode est faite pour les hommes (j'entends par là les femmes aussi, bien sûr) pas le contraire ou elle devient alors très laide.

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  14. Milles bravo pour ton stage : seras tu à Paris pendant cette période ? Si c'est le cas, je te propose (avec plaisir et gourmandise), si tu en étais d'accord, un café ou thé, bref un moment ensemble. Heureuse de lire ton regard sur les "vrais gens" qui ont aussi du style sans le savoir, qui ont une vie aussi; Comme j'aimerais que les blogs de city style soit de vrais chasseur d'image et non pas des faiseurs de pauses avec des personnes choisies et sélectionnées avec soin (pas gros, pas moche, blanc, jeune...) et, surtout, TOUJOURS dans les mêmes endroits, c'est vrais quoi, ils n'ont pas le GPS au delà de 2 ou 3 rues...Navré encore pour mon ralage ( qui ne date pas de maintenant..). J'aime beaucoup ton écriture et ce qu'il y a en dessous, que je ne peux que supposer (sinon je ne lirais plus ton blog). A bientôt pour de nouvelles aventures !

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    1. Oui, j'y serai pour un mois. Ce sera avec plaisir, tu penses!
      "Ils n'ont pas le GPS au-delà de 2 rues ?" Mon Dieu, tu m'as fait mourir de rire! A leur décharge, c'est vrai que le temps, c'est de l'argent... et je ne sais pas si tout le monde a le courage d'arpenter Paris du Nord au Sud en 3 heures. Quand je pense que j'ai fait Porte de Vanves - La Goutte d'Or pour retourner ensuite à l'Etoile, je me dit que je suis zinzin. Ceci dit, ce serait à refaire, je le referais (avec peut-être un crochet dans le 17° et un autre dans le 10°, héhé).
      J'aime bien le blog Advanced : il photographie des femmes âgées toujours bien mises, c'est sûr mais chez qui on sent un sacré caractère.
      Le contraste entre Gilbert, si affirmé et Mechtilde, si discrète, m'a semblé frappant. Deux personnalité opposées et intéressantes.

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    2. Alors en ce cas, je vais "guetter" ton arrivée. Tu peux me contacter via mon adresse email. Et puis Paris n'est pas si grand !

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  15. Que j'aime ton texte, pétillant, intéressant et quelle critique ! L'amie qui t’accompagnè était superbe et je te vois bien sautillé sur le pavé parisien ! Tu nous as transmis l’exception de ton moment !

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    1. Merci Mulot. Oui, Mechtilde est très jolie et elle a beaucoup de charme. On a vécu des moments un peu hors du temps et je suis heureuse d'avoir réussi à vous les partager ;-)

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  16. c'est tellement agréable de lire quelque chose de positif sur les parisiens... pour une fois...!
    j'ai beaucoup aimé ton récit, Stelda!
    Claire

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    1. C'est trop facile de taper tout le temps sur les Parisiens :)

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  17. Bravo pour le stage et pour la photo du monsieur au chapeau de cow boy!

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    1. Ca m'a donné envie d'avoir toujours mon appareil photo avec moi. Hier, j'ai pris un café avec un ami qui avait de belles chaussures et j'ai regretté de ne pas avoir mon Sony dans mon sac :(.

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