JCVD, icône à contre-courant

Vous vous êtes peut-être dit l'autre jour : "Mais quelle drôle d'idée elle a de nous souhaiter ses voeux avec une vidéo de Van Damme!" L'an dernier, c'était Hermès : plus chic, c'est vrai. Mais j'adore Van Damme. Dans les années 90, j'avais 15 ans. Ou 20 ans. Ca dépend si on se situe au début ou à la fin. Pour fixer un curseur, j'avais 18 ans en 1995, voilà. Dans la marée des costumes Kenzo à col noir et des escarpins pointus, j'ai fait une rencontre foudroyante : celle de Jean-Claude Van Damme.
C'était plutôt une idole de mecs et ça étonnait toujours quand je disais "J'ai adoré Double Impact" (du coup, ils m'offraient une bière!).

"On pense toujours que devenir une star altère la perception qu'on a des autres, mais le contraire est valable : votre entourage, forcément, change d'attitude. JCVD étant basé sur ce principe, la multiplication des points de vue est devenue non seulement cohérente, mais aussi jubilatoire." Mabrouk el Mechri, réalisateur

JCVD m'a toujours touchée. D'abord, je le trouvais beau gosse (le premier qui rigole, je lui rappelle qu'au rayon des acteurs de films de combat, on avait le choix entre Chuck Noris, JCVD, Bruce Lee et Jackie Chan, alors JCVD gagne 1000 points d'office, il n'y a guère que David Carradine qui pouvait lui arriver à la cheville côté sex appeal). Ensuite, il s'obstinait à jouer dans des films dont le scénario semblait sortir d'un Harlequin pour gamins de 14 ans. J'avais beau avoir des goûts déplorables nourris de brassière et de mini jupe en nylon, cette constance dans le néant m'interloquait et me fascinait. Pendant 10 ans, je n'ai manqué aucune sortie de ses films. Je cherchais désespérément l'acteur qui pouvait se cacher derrière ce soldat de plomb. Et un jour, alors que j'avais jeté l'éponge, je l'ai trouvé.

C'était devant JCVD. Ce film est un petit bijou, un OVNI réalisé par Mabrouk el Mechri (le réalisateur de Maison Close). JCVD joue son propre rôle. Tourné en 2008, au plus bas de la carrière de l'acteur, il le met en scène avec beaucoup d'humour. Le voilà de retour dans sa Belgique natale, "au ciel bas et grisonnant", pour tenter de récupérer la garde de sa fille. Il est fauché et ne peut même pas retirer de l'argent dans un bureau de poste minable. Mais des hommes armés surgissent : c'est une prise d'otages et tout bascule. On entre dans un Pulp Fiction franco-belge, filmé presque en noir et blanc. Tarentino a même estimé que c'était le meilleur film de l'année 2009.

JCVD explique très naturellement qu'il n'a pas de prix. Comme Brad Pitt, Georges Clooney ou d'autres grands hollywoodiens, quand un film lui plait, il se fiche de son cachet. Pour être disponible pour tourner JCVD, il a refusé d'autres contrats bien plus juteux. Le film a reçu un excellent accueil des critiques mais est malheureusement resté confidentiel : 150 000 entrées seulement. Peut-être parce qu'entre l'acteur de block busters et ce long-métrage d'un réalisateur inconnu, le gap était si grand qu'il a déstabilisé tout le monde : ses fans, pas intéressés puisqu'on n'y voit aucun combat et les amateurs de films d'auteurs, qui n'ont pas cru qu'un film avec JCVD pouvait être autre chose qu'un navet bien assaisonné. Dommage. Il ne faut jamais s'arrêter aux apparences.

Je crois que ce que j'aime chez ce type, c'est qu'il n'a peur de rien. Ni du ridicule, ni du regard des autres, ni de se casser la figure. Il a débarqué aux Etats-Unis sans parler anglais, a enchaîné les petits boulots : masseur, prof de karaté, ouvrier dans une usine de tapis, chauffeur de limousine, serveur, et couru les castings en se disant qu'un jour il serait une star. Qu'il ETAIT une star mais que les autres ne le savait pas encore, voilà tout. Il avait un rêve, il vivait dedans, il l'incarnait et rien ne lui était impossible. Il s'est accroché de toutes ses forces. Il n'a pas non plus hésité à épouser une deuxième fois sa femme, fidèle à sa devise : quand on fait des erreurs, il faut les reconnaître.


En France, on ne connait souvent de lui que son célèbre aware. C'est vrai, JCVD est conscient de ses faiblesses et de ses erreurs. Il n'hésite pas à avouer que ses échecs dans les années 2000 sont dus à "la paresse" et à des erreurs de choix. Il ne se la raconte pas genre "le public n'a rien compris". Je me souviens d'une intervention sur un plateau de télé, face à un jeune du Loft (ouais, ça ne nous rajeunit pas!). Il lui disait : "Petit, fais gaffe à la drogue, aux escrocs, à ceux qui vont te tourner autour juste parce que tu es un peu célèbre et qui te pompent ton fric." L'autre ricanait et lui a coupé la parole, comme si c'était rien qu'un vieux schnock. JCVD voulait simplement partager son expérience, et oui, ça m'a touchée. Il aurait pu se contenter de faire la promo de son film et de snober l'autre petit con inconnu de tout le monde 6 mois avant (et 6 mois après, la preuve, je ne me rappelle pas son nom, ahahah).

A sa naissance, le petit Jean-Claude est considéré comme mort-né. Cette étonnante entrée dans l'existence explique sans doute son âme de batailleur. Et avec son awaritude, JCVD est clairement un trendsetteur : les années 2010 sont celles de la conscience. Adulé avant-hier, ringard hier, icônique demain : ainsi va la vie des idoles et Jean-Claude Van Damme le sait. "Si je fais bien mon travail, on oubliera mon nom, ma création sera plus grande que lui. Si un jour j'y arrive, je serai un garçon heureux : ma création aura effacé mon nom grâce à son intérêt" affirme-t-il. Une jolie phrase, à méditer.

Bon, tout n'est pas bon chez Jean-Claude. son style vestimentaire est très moyen. Personne n'est parfait.

Extrait de JCVD :



Et son conseil pour vivre une année 2014 aware de vous-même :



Et pour aller plus loin : 
Dans la peau de Jean-Claude Van Damme, documentaire (2003)
Une journée avec Jean-Claude Van Damme, documentaire (2008)
De Jean-Claude à Van Damme, documentaire (2011)

Double impact (1991)
Chasse à l'homme (1993)
Le grand Tournoi (1996)
JCVD (2008)

stelda

16 commentaires:

  1. ben tu vois moi je ne le connaissais pas du tout, personnage attachant, pas idiot... des bises

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    1. Son travail en arts martiaux lui a peut-être forgé un mental à part. En tout cas, il et assez particulier et mérite qu'on gratte derrière l'image de looser qui lui a longtemps collé à la peau, surtout en France.

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  2. JCVD m'a fait rire, je l'ai trouvé tellement bizarre avec son aware, voire même méprisable et puis...j'ai changé d'avis, ce type est juste attachant, humble, les pieds bien ancrés sur terre, lucide.

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    1. C'est ça : il est sûr de lui mais ne cherche pas à épater son interlocuteur. Un bon équilibre.

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  3. J'ai pas vu son film, ni d'ailleurs aucun film de lui parce que les films d'action vraiment je ne peux pas, mais concernant ses propos, je suis contente de pouvoir faire ici mon coming out : j'ai toujours trouvé que JCVD était incompris !

    Quand on écoute vraiment ce qu'il raconte, c'est très subtil, ça a l'air débile alors qu'au contraire c'est souvent très intelligent, très "décalé" dans le sens où il regarde les choses sous un angle auquel la plupart des gens n'ont jamais pensé... et donc "la plupart des gens" se moque, fatalement !!

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    1. Dans mes bras, Anacoluthe!!! Tu as trouvé le mot juste : décalé. Et c'est sûrement ce décalage qui me plaît.
      Si tu veux tenter JCVD, il n'y a pas de combat. Une ou deux petite baffe, c'est tout ;-). Ce film me rappelle un peu Fargo (en moins glauque).

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  4. Tu me donnes envies de le connaitre : j'ai l'impression de ne rein savoir.

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    1. Merci :) Les médias français ont été très vaches avec Van Damme et il y a été beaucoup moqué.

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  5. C'est fou comme la roue tourne. Par contre je n'ai pas très bien compris le coup de l'hameçon.

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    1. Oui, adulé un jour, moqué le lendemain... Mais sa dernière pub pour les camions Volvo a cartonné : 67 millions de vues sur Youtube en 2 mois.
      Je pense qu'il voulait dire qu'il faut multiplier les approches quand on veut faire faire quelque chose : tenter, encore et encore ;-)

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  6. Super article, tu nous présente ce sacré personnage sous un angle nouveau, et tu me donnes envie de voir le film. Merci :)

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    1. Ah, chic alors! C'est que j'ai réussi mon portrait décalé :). Merci Mélanie!

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  7. On se paye sa tête parce qu'on pense qu'il est con (ce qui est une position élitiste facile, comme celle de se payer la tête de Nabilla par exemple) mais la connerie ou la non-connerie on s'en fout, et tu le montres bien dans ton article, ce qui touche c'est l'humanité :)

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    1. Je suis bien d'accord : la personne la plus cultivée et la plus intelligente est insupportable si elle n'a aucun recul sur elle-même ni aucun intérêt pour les autres.
      Et comme dit Anacoluthe, un regard décalé fait parfois peur. Alors c'est plus facile de se moquer de celui qui est différent et l'assume que d'essayer de comprendre sa démarche.

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  8. J'ai toujours trouvé cet homme très entier et (donc) très sympathique, malgré que je ne sois pas spécialement fan de ses films d'action. Il assume qui il est. Il n'a pas peur de montrer ses failles. Je suis très intéressée à regarder les documentaires qui le concernent. Merci ! - N.

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    1. Oh, Nina, votre commentaire m'avait échappé. Pardon de vous répondre si tard! Admettre ses failles, c'est une grande force ;-). Du coup, vous avez vu l'un ou l'autre de ces documentaires ?

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