Les modeuses sont-elles folles ?

J'aurais dû écrire les modeux car les hommes ne sont les derniers à aimer la mode. S'ils sont moins nombreux, ils sont généralement plus extrémistes encore que les femmes.

L'interview de la Belette, au-delà de la dérision que nous avons toutes les deux pris un malin plaisir à exprimer, soulève une vraie question, celle qui hante les étrangers à ce cercle bizarre des fous de mode : qu'est-ce qui les pousse à tant d'excentricité ?

source : Grazia

Exubérance vestimentaire, goûts douteux, appareillage étrange de formes / couleurs / matières diverses et improbables, les modasses semblent prendre un malin plaisir à tenter le pire.
Exemple avec 3 figures majeures :

Patricia Field, la costumière de Sex & the City et du Diable s'habille en Prada
Daphne Guiness, égérie de Nars, McQueen et bien d'autres
et petite amie de BHL
Anna Dello Russo, rédactrice en chef de Vogue Japon
A côté de ces dames, les blogeuses qui tentent le néon ou les ongles bleus font figure de petites joueuses.

3 explications :

1. Mieux on connait un secteur en particulier et plus on apprécie des choses a priori déroutantes. Comme en gastronomie, la modeuse va tenter des expériences de plus en plus poussées et inédites, pour voir si ça le fait (et l'essentiel étant que ça le fasse pour elle, tant pis pour les autres). Donc vous remplacez le mélange sucré/salé par le mélange des imprimés et vous y êtes (bémol : si vous ne pouvez infligez un plat étrange de force à un inconnu, celui-ci ne peut en revanche pas esquiver vos errances vestimentaires sauf à être aveugle). Je rangerais Daphne Guiness dans cette catégorie de modeuses moléculaires.

2. Certaines personnes n'ont aucune inhibition. Genre moi, vous ne me verrez jamais avec des cerises dorées sur la tête. Encore moins si elles sont géantes. Mais Anna, elle, s'en fout. Elle trouve ça rigolo, elle a envie d'essayer donc elle se colle ses cerises géantes et dorées sans complexes. Au fond, je l'envie un peu, moi qui me trouve too much avec une jupe léopard Monoprix.

3. Patricia Field fait partie de celles qui travaillent dans la mode mais la considère comme une oeuvre d'art, un tableau à faire. Elle réussit des choses éblouissantes sur les autres mais sur elle, elle s'en balance. Avoir l'air d'un hippie biker ne lui pose aucun problème.

Je suis la première à trouver certaines tenues très laides. Mais mon côté enfant ne peut s'empêcher d'envier ces femmes qui osent s'amuser comme des petites filles. Et puis, qui a dit qu'il fallait prendre la mode au sérieux ?
Le cancer, l'illetrisme, la faim dans le mode, le travail des enfants, la souffrance d'un otage, le chômage, la fin des éléphants, oui, c'est sérieux. Mais la couleur d'une robe ou la hauteur des talons ? franchement...
Et puis je préfère 1000 fois le registre de la folie ordinaire de celles qui osent tout parce qu'elles sont excentriques, qu'elles se sont totalement affranchies du regard des autres, que les associations empruntées et prétentieuses de certaines qui ont peur d'être démodées en portant de bons vieux basiques et qui portent ci ou ça qu'elles n'aiment pas juste "parce que c'est in" (ou parce que leur styliste leur achète).
Celles-là, je ne les trouve ni drôles ni fascinantes. Je trouve qu'elles ont pire que du mauvais goût : elles n'ont pas de goût propre.

Et là, je crois que ça mérite un développement. Donc un article complet à suivre sur l'identité de chacune dans la mode!
Voici une belle occasion de faire un article participatif : celles qui le souhaitent peuvent y contribuer en m'envoyant un petit mail à lecastelda@gmail.com.
Amusez-vous bien, j'ai hâte de vous lire!

stelda

23 commentaires:

  1. Je me suis longtemps fichue complètement du regard des autres, pour ma plus grande fantaisie et j'ai adoré la créativité que m'a procurée cette époque.
    Je n'évolue pas dans un milieu "mode" comme d'autres quinqua connues et qui continuent à donner l'image d'une silhouette que j'appelle "libertaire". L'âge venant, je ne me suis plus sentie raccord avec ce que j'osais sur le plan vestimentaire. C'est venu tout seul, de façon absolument imperceptible pour moi, j'ai eu envie d'un peu plus de sobriété. Malgré tout, je n'arrive pas à être le clone du BCBG, ce n'est pas moi, et j'ai toujours quelque chose en décalage (collants fantaisies, sac, et surtout chaussures...). Ça ne m'empêche pas d'apprécier chez d'autres cette fantaisie qui est moins la mienne aujourd'hui.
    Cependant, l'ostentation dans la "distinction" au sens qu'en donne Pierre Bourdieu, (pas au sens "distingué"), je veux dire être différent des autres à tout prix, même à celui du ridicule, cette ostentation m'agace. mais comme tu dis, il n'y a pas mort d'homme, n'est-ce pas?

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    1. Ce qui est un peu bizarre, c'est que c'est bien souvent à l'adolescence ou à 20 ans qu'on ose le plus de choses déjantées ;-). Quand on entre sur le marché du travail, on calme le jeu : par nécessité souvent, par peur parfois, par facilité. Et dix ans plus tard, beaucoup retrouve le besoin de s'exprimer à nouveau (même si c'est plus soft qu'à 20 ans) par leurs tenues ;-)
      J'aime bien le terme ostentatoire : je trouve qu'il décrit parfaitement certaines attitudes qu'on voit sur des photos de street style à la sortie des défilées :)..

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  2. Je suis tout à fait d'accord avec vous deux les filles. Rien à ajouter vous avez tout dit...
    Le trop devient vite une référence et oublie l'élégance
    Bonne journée les filles

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    1. Est-ce que tes clientes s'interrogent aussi sur ce phénomène ? Parce que ça intrigue beaucoup de monde autour de moi ;-)

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  3. En même temps, elles peuvent se le permettre, c'est un peu leur boulot....alors autant sortir de l'ordinaire.

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    1. Complètement. C'est certainement plus facile dans certains milieux ;-) Mais c'est aussi une question de personnaité, certains créateurs sont complètement "no look" : Miuccia Prada, Raf Simons, ...

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  4. Article qui fait une mise au point cruciale, et dont je te remercie. J'ai hâte de lire la suite.

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  5. très très juste, ton post et ton analyse, comme d'habitude. Je pencherais bcp pour la raison n°1 et donc comme s'il y avait une certaine "blasitude" (bon sauf que ça n'est pas la règle, sinon Garance Doré devrait déjà être un clone de Dello Russo si c'etait toujours le cas). Je pense plus simplement qu'il ya derrière tout ça quand même un côté "petite fille qui se déguise" et tiens, comme par hasard, me déguiser, moi, à part en Fantômette, ça ne m'a jamais fait kiffer. Du coup, je m'habille, en essayant d'avoir un style bien à moi (tout en n'étant ps excentrique) mais je ne me déguise pas (parce que Elisa Nalin, Dello Russo et autres, y a qd meme un côté "je me deguise", faut reconnaître. Et au final "je me deguise en moi-même", quoi, autour d'un personnage un peu (trop?) construit...

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  6. ..et je trouve qu'il y a aussi un spect très paradoxal dans cette façon de s'habiller: d'une part, elle est très voyante, etd d'autre part d'une certaine façon c'est une manière de se "masquer": Anna Dello Russo est très "visible", "reconnaissable", mais en même temps tellement toujours déguisée en elle-même, que ce qu'elle est - ELLE - en fait, on ne le sait pas: on ne voit plus que son personnage (un peu comme Lady Gaga ou Jane Mas avant qu'elle redevienne elle-même). CQFD: ça la masque, ça la cache. Un subtil montré/caché quoi....

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    1. Oui, là on est dans une version du dandysme à la Marchesa : "Je veux être une oeuvre d'art". Et au final, comme tu le dis, certains ont une image si forte que si on leur retire, on ne les voit plus. C'est fou,non ?

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  7. Pas facile. Etant jeune, je tester beaucoup, je m'amusais et n'avais peur de rien mais je pense qu'au fond je voulais choquer les gens de ma campagne et j'en avais marre d'être toujours regardée et analysée parce que mon père était le seul à avoir une entreprise. la sagesse est venue avec l'âge et j'ai appris à connaitre ce qui m'allait.
    C'est pour quand l'article participatif?

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    1. On ne le dit pas assez, mais il n'y a pas que des inconvénients à vieillir ;-) je m'en rends compte tous les jours.
      L'article serait pour le 1° juin.

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  8. Pour le coup moi je suis moins charitable/ sûrement moins éclairée aussi remarque, mais je trouve qu'il ya une part incroyable de snobisme là dedans...

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    1. Clairement, pour certaines que je ne nommerai pas (parce que je suis charitable, mouahhhh), oui, je le crois aussi.
      Pour les 3 exemples ci-dessus, je crois vraiment qu'elles sont barrées dans leur trip :D. Mais il y a tellement de snobs qu'on oublie qu'il y a des excentriques sincères ;-). C'est un peu comme en peinture ou en musique, ou en cinéma. A force de voir du pseudo film d'auteur à la noix (genre une caméra qui filme un mur pendant 15 mn), on n'y croit plus!

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  9. Pour moi c'est une forme de liberté de s'habiller à sa manière sans céder aux tendances, impossible de le faire quand on travaille dans un milieu professionnelle lambda, j'osais plus jeune, et puis l'age de raison est arrivé, j'adore quand tu fais ce genre d'articles.

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    1. Merci Blandinette :) J'aime surtout avoir vos points de vue, je trouve ça tellement riche!
      C'est dommage, quand même ces codes sociaux :(. Mais ils sont encore très très fort, surtout en France, je trouve.

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  10. Aaaaah! J'adore jadore j'adoooore! =D
    Personnellement, je reste hyper perplexe. Tu vois, c'est un peu comme Lady Gaga. Jusqu'à Paparazzi, j'adorais les tenus. Décalées mais pas trop "volumineuses". Mais maintenant...
    En fait, je crois clairement que, ce qui me gêne, c'est la "grandiloquence" de ces tenues. Ca reflète parfois une certaine mégalomanie, à mon impression. Quelque chose qui me gène beaucoup, c'est qu'on sent un désir de "s'élever" au dessus des autres. Je ne sais pas si c'est très clair, mais je le perçois comme ça.
    Une chose est sure, il y a une part d'art là dedans. Même un déplacement de l'art qui est assez intéressant. Le corps et la personnalité se font oeuvre. C'est très intéressant. Mais ceux qui s'élèvent à ce rang m'apparaissent comme bien imbus de leur personne, justement, lorsqu'ils ne s'amusent pas. Et là est tout l'intérêt: savoir s'amuser. Oui, selon moi, la limite se place là. Est-on amusement, fantaisie ou simplement dans le paraitre... C'est de cette manière que je distingue ce que j'aime de ce que je n'aime pas en matière d'extravagance et de mode :)

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    1. Tu rejoins Laurence ; la distinction pour la distinction... Je pense que certains s'amusent vraiment (Gaultier, par exemple). Mais au final, je crois que la vraie personnalité transperce toujours sous le vêtement... Voir Inès de la Fressange, dont l'esprit semble tellement en accord avec son apparence qu'on ne peut imaginer une surpercherie!
      Ce qui me gêne beaucoup chez certaines blogeuses, c'est qu'on ne ressent pas (ou plus) cet amusement. Elles semblent tellement sérieuses!! J'espère qu'elles trouveront un détachement avec l'âge ;-)
      Donc pour résumer, c'est le mot "sincérité" qui ressort de ta vision, non ?

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    2. C'est EXACTEMENT ça Stelda: La sincérité =)

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  11. Enorme le choix des photos ! J'adore !mais pas dans le sens où je dégaine tout de suite ma CB !!

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